Biography val manescu
Courte biographie
NĂ© le 18 julliet 1953 Ă ComăneÈti, une petite ville de Moldavie (nord-est de la Roumanie), Valentin Mănescu prend, trĂšs tĂŽt, goĂ»t Ă lâĂ©criture et fait paraĂźtre des poĂšmes et des Ă©crits en prose dans des revues littĂ©raires.. aprĂ©s une formation de comĂ©dien et de rĂ©gisseur-metteur en scĂšne Ă lâĂ©cole des Beaux-Arts de Bacău (ville industrielle de 300 000 habitants), il travaille auprĂšs de plusieurs maisons de la culture, dont celle de Bacău, ville oĂč il rĂ©side prĂ©sentement. Au lendemain de la ârĂ©volutionâ de decembre 1989, il concrĂ©tise un rĂȘve de jeunesse en se lançant dans le journalisme. Il a collaborĂ© Ă divers mĂ©dias, assurant, notamment, des Ă©missions culturelles pour des chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision. Aujourd hui il est inspecteur pour les droits des artistes et, en meme temp,il a un deuxieme job comme editeur a une tĂ©lĂ©vision nationale.
âDelit de MĂ©moireâ est son premier livre publiĂ©. La deuxieme est âUn jour avant la fin du mondeâ, parrue le 2004. Il est en train de finir le roman âLa secousseâ.
Avant â propos
Venu de lâautre extrĂȘmitĂ© de lâEurope, ce âDĂ©lit de MĂ©moireâ, qui, selon son auteur, constitue probablement le seul dĂ©lit lĂ©gal, apparaĂźt comme un livre universel. Non pas seulement de par lâattachement du poĂšte Ă une identitĂ© de âcitoyen du mondeâ, ni de par les rĂ©fĂ©rences, Ă©grenĂ©es ici e lĂ , aux lieux les plus divers du continent â En dâautre termes, Ă cette âmaison communeâ, dont il saluait, en son temps, la naissance. Non, ce qui fait, avant tout, lâintĂȘrĂȘt de lâouvrage de Val Mănescu, câest cette sensibilitĂ© Ă fleur de peau, cette authenticitĂ©, que lâon attend de tout crĂ©ateur, quelles que soient sa race et sa culture.
Les allusions Ă un passĂ© encore rĂ©cent et douloureux sont, certes, prĂ©sentes dans le vers de Val Mănescu. âJe ne me rĂ©volte pas...â evoque, Ă ce titre, lâinfinie patience dâun individu et dâun peuple, qui, sous la botte implacable de son draculesque âConducătorâ, nâosait pas mĂȘme...rever Ă un monde meilleur. Les trivialitĂ©s du quotidien, dans cette Roumanie, oĂč faim, froid, peur et humiliation se disaient CeauÈescu, font partie du dĂ©cor: âJe ne me rĂ©volte pas quand on coupe lâeau sans avertissementâ. Mais leur prĂ©sence revĂȘt une valeur anecdotique. Il ne faut pas, en effet, chercher dans cette poĂ©sie, une critique social ou politique. Lâessentiel nâest pas lĂ .
En fait, un homme parvenue Ă la moitiĂ© de sa vie se retourne vers ses jeunes annĂ©es. âRegardant derriĂšre moi/ je reconnais projets grandieuses succĂšs au large public et Ă©motionsâ. Et comme il ne se rappelle plus prĂ©cisĂ©ment des lieux et des dates, il nâhĂ©site pas Ă projeter, dans un futur proche, des sentiments et des evenements appartenant Ă une Ă©poque rĂ©volue. Mode de faire qui, pour un instant, lui donne lâimpression dâĂȘtre le maĂźtre du temps. La marche inexorable vers la derniĂšre minute de la derniĂšre heure lui fait terriblement peur. Pas Ă©tonnant, dans ces conditions, que le cadeau quâil rĂȘve pour son fils, amour central de sa vie, soit une âcolossale machine Ă fabriquer le tempsâ.
Volontiers lĂ©ger, futile et fantaisiste, le ton se fait frĂ©quemment grave, sĂ©rieux ou nostalgique, ainsi quâil convient Ă une introspection. Le poĂšte, formĂ© Ă lâĂ©cole du thĂ©Ăątre, se repasse le film dâune vie dont il a Ă©crit le scĂ©nario, pour le jouer lui-mĂȘme devant le public. Au long de cette existence, il nâa rreculĂ© devant aucune expĂ©rience, nâhĂ©sitant pas, le cas Ă©chĂ©ant, Ă se jeter dans les flammes, comme ces papillons, attirĂ©s par la lueur dorĂ©e dâune bougie lors dâune belle soirĂ©e dâĂ©tĂš. Mais les annĂ©es de chandelle brĂ»lĂ©e par les deux bouts et de rĂ©volte sont brĂšves. Elles laissent la place Ă la raison et Ă la rĂ©signation. Rendu frileux par ses souffrances, le poĂšte ne veut mĂ©me plus courir risquer dâĂ©tre heureux. âJe prĂ©fĂšre la roulette oĂč je perde sans cesseâ, dit-il dans lâ un des poĂšmes clĂŽturant le livre. Lâun des plus poignants sans doute.
Clown ou saltimbanque, il se pare des oripeaux de son rĂŽle. Dans sa tenue de âdresseur dâimagesâ, sous le grand chapiteau du cirque, il fait claquer son fouet. Il appelle Ă lui les mots. Ils lui obĂ©issent comme les chiens bien dressĂ©s (Pavlov nâest pas loin!). Les mots se dressent sur leur pattes, ils sautent Ă travers le cerceau tendu et remuent joyeusement la queue. Et quand lâexercice ne lâamuse plus, lâartiste se glisse, avec la mĂȘme aisance, dans les haillons du vagabond. Libre dâaller oĂč le vent le pousse, sans devoir rendre de compte Ă personne, y compris, audace sous-entendu, Ă lâoeil omniprĂ©sent et omniscient du âBig Brotherâ des Carpathes.
Songerie utopique, au demeurant. Comme une locomotive tirant ses wagons, le poĂšte ne peut quitter ses rails. Il doit se soumettre aux conventions et aux devoir sociaux: âSois poli, mâa dit le professeur de savoir-vivreâ.
Autre dĂ©guisement, celui du jeune premier amoureux dâune Ă©toile. Or le dĂ©butant a vieilli et a oubliĂ© sa rĂ©plique. âJe ne sais plus comment je le disais Ă dix-neuf ansâ. Source de bonheur Ă saisir sur le moment, de prĂ©fĂ©rence hors des liens sacro-saints du mariage, lâamour souscite aussi les plus grandes tristesses. Dur, quand on aspire Ă connaĂźtre une passion absolue, Ă la vie Ă la mort, genre Tristan et Iseult, de devoir se contenter de âdisputes autour dâun thermomĂštre brisĂ©â. De la mesquinerie, de la mĂ©diocritĂ©, de lâincommunicabilitĂ©, toutes ces âtartes Ă la crĂšmeâ qui fournissent leur pain quotidien aux âpsysâ de tout poil...
âDelit de MĂ©moireâ, câest en fin la galerie des Glaces de Versailles. Un jeu complexe dans lequel le poĂšte, tel un miroir, renvoie et dĂ©forme la rĂ©alitĂ©. Une fenĂȘtre ouverte reflĂšte une autre fenĂȘtre ouverte et ainsi de suite... La surface sâoppose Ă la profondeur. Val Mănescu, comme Socrate, a apris Ă se connaĂźtre. Il accepte ses dĂšfauts. Pourtant, il nâautorise personne Ă lui en faire reproche. âJe me rĂ©volte quand on inventorie mes manquements sentimentauxâ. Loin dâĂȘtre une victime de lâhistoire et de la vie, le va-nu-pieds se tient droit, roidi dans son immens orgueil, carapace Ă©paisse et dure qui protĂšge des attaques extĂ©rieures un trop plein de fragilitĂ© et de vulnerabilitĂ©, jardin secret aux milles fleurs.
La prĂ©sente traduction nâaurait probablement jamais vu le jour, sans une rencontre personnelle, rendue possible grĂące Ă la chute dâun mur et Ă une ârĂ©volutionâ mĂ©diatique, prĂ©lude Ă une amitiĂ© et Ă une complicitĂ© immĂ©diate et jamais dĂ©mentie depuis.
Martine Rochat
|