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Des figures libres
personals [ ]

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by [syriuseyes ]

2017-08-02  | [This text should be read in francais]    | 



Marjane — Quand les révolutionnaires sont arrivés au pouvoir, ils ont annoncé que nos vies allaient retrouver leur valeur sans changer fondamentalement. Seule la parole de Dieu serait notre voix et en cela notre vie serait des plus douces et encline à la sagesse. Selon ces détenteurs de la vérité, je devais donc me respecter telle que Dieu l'exigeait en portant le voile. J'ai vite compris qu'il ne s'agissait pas d'une suggestion.

Aziyadé — Dès mon plus jeune âge, ma mère m'a éduquée dans le plaisir d'être belle, en se basant sur les canons de beauté que le système lui dictait inconsciemment. Elle me répétait la chance que j'avais de pouvoir jouir de ma liberté, d'être celle que je désirais, d'être moi! Elle souriait en me répétant que je n'aurais jamais comme elle à porter le voile pour dissimuler ma beauté. Pourtant avec le temps, j'ai remarqué ces respects particuliers qu'on donnait à ces femmes voilées qui s'assument et ai de plus en plus ressenti ce besoin de me rapprocher de Dieu.

Marjane — Les contrôleurs du comportement et de la bonne tenue nous mènent la vie dure à mes amies et moi. Nous avons été raccompagnées chez nous hier pour atteinte aux bonnes mœurs parce que nous portions un pantalon. Mes parents ont été menacés. Je voudrais crier au monde mon désir de liberté. On me rudoie pour une mèche de cheveu qui dépasse. Pourtant quoi qu'on dise ou qu'on attribue à la volonté divine, ma beauté m'appartient! Une fleur se cache-t-elle ou est elle une part de ce qui donne au monde sa beauté?! Et si mon apparente beauté est si unique au point de devoir la cacher, n'est-ce pas gâcher un des aspects de la création que de dissimuler cette éphémère beauté...

Aziyadé — Quand j'ai rencontré mon époux, nous étions jeunes et pensions que l'amour seul nous guiderait. Puis, chemin faisant nous nous sommes rapprochés de Dieu. J'ai décidé de dissimuler mon visage et le reste de mon corps par respect pour mon Dieu, pour mon mari et moi-même. Mon mari m'aime plus encore et me respecte telle que je suis et je n'offre à présent ma beauté qu'à lui seul. Il aime à admirer une femme qui ne s'offre pas, il respecte d'autant plus une femme qui se respecte. J'aime cette idée de n'être vue que par lui, d'être tel un trésor, une perle rare que lui seul peut admirer.

Marjane — Quand j'ai rencontré mon époux, nous étions jeunes et pensions que l'amour seul nous guiderait. Lorsque je l'écoutais parler je savais qu'il m'aimait pour ce que j'étais et non pour ce qu'il idéalisait de moi. Le temps ne m'a pas contredit. Les années passent d'autant plus vite que notre bonheur est grandit. Jamais il n'a tenté de m'imposer quoi que ce soit, il ne jalouse pas les regards qui peuvent se poser quelquefois sur moi, toute proportion gardée. Il me sait belle et affirmée et cela fait sa fierté. Evidemment nous avons nos limites, mais nous n'avons jamais eu besoin de nous les imposer. Nos règles se sont posées implicitement d'elles-mêmes dès notre rencontre, sans doute de part nos éducations respectives, assurément embrassées par notre indéfectible amour. Pourtant ma mère était très traditionnaliste, elle portait elle-même le voile par choix et ce bien avant l'arrivée des révolutionnaires, mais ne m'a jamais obligée à suivre sa voix.

Aziyadé — Regardez ! Autour de vous toutes ces femmes qui se montrent nues ou presque. On ne voit que ça! Dans les publicités, les magazines ou tout autre média la nudité est partout le prétexte à faire vendre. On stimule le désir pour vendre un savon. Sur internet le sexe est devenu banalité. Pourtant par respect pour l'Homme et pour avoir une société plus apaisée, il faut prendre conscience que l'homme est soumis à ses instincts plus sûrement que ne l'est la femme. Le désir doit être contrôlé, ne serait-ce que pour le magnifier. La sagesse doit mener les hommes ainsi que Dieu l'a voulu, et non le désir qui est une soumission à leurs plus bas instincts. Inutile de susciter la convoitise en offrant mes formes à des yeux qui ne savent contempler. Nous ne sommes pas des animaux. Dieu nous a créés pour être plus que ça. Le sexe ne doit pas être banalisé ou devenir un instrument, le désir doit garder sa place et rester associé à l'amour.

Marjane — Bon nombre de fois ma mère et moi avons refait le monde. Elle voyait l'homme à travers ses faiblesses et pensait par exemple qu'il était asservi à ses désirs. De mon point de vue le désir est un sentiment humain et possède sa propre beauté. La sensualité sert l'art, et le sexe est un des moteurs du monde, qu'on le veuille ou non. Nier cela au travers de tabous et de l’application de règles régissant nos vies créé de la frustration et engendre parfois certaines pathologies. La négation de cette part de notre humanité nous empêche de nous comprendre pleinement. Et ceux qui pensent que c'est me protéger des pervers ou protéger autrui de ses instincts primaires ne comprennent pas la psyché humaine. Un pervers est souvent stimulé par l'interdit et poussera donc la perversité jusqu'à imaginer outrepasser le voile si ce n'est plus encore. L'homme en âge de décider doit être en accord avec ses sens et explorer son corps au travers de la sexualité et tendre à être en paix avec lui-même. Il doit transcender ses pulsions, ses peurs et les dictats religieux ou idéologiques pour se découvrir, s'aimer et ainsi mieux comprendre l'autre...

Aziyadé — Toi mon voile, ma parure, ma pudeur ! Sans toi je suis nue, sans toi je ne suis pas moi. Celui qui exige que je t'enlève veut me priver d'une part de moi-même. J'aimerais que tous le comprenne, qu'ils sachent que c'est la voix que j'ai choisi, que ce petit bout d'étoffe chatoyant sous les rayons du soleil c'est moi aussi, telle que je suis.

Marjane — Vide. Vide je suis dans cette prison de soie. J'ai cessé d'être moi, je ne suis plus qu'une ombre qui se faufile le long des masures. J'étouffe de n'être plus moi-même, d'être ce que l'autre ordonne. Non cet enfant que je porte ne vivra pas cette soumission. Ce soir nous partons pour d'autres contrées où le choix demeure encore. J'offrirai à ma fille ce précieux cadeau que m'avait fait ma mère, la liberté. Je lui rendrai tout ce qu'on nous a pris. En sa mémoire elle portera son doux prénom, Aziyadé.

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