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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-03-06 | [This text should be read in francais] | Submited by Guy Rancourt
Le visage vaporisé au Portugal
(Oh, vivre dans cette odeur d'orange en brouillard frais !) À genoux sur le divan de la cabine obscure - J'ai tourné les boutons des branches électriques - À travers le hublot rond et clair, découpant la nuit, J'épie la ville. C'est bien cela ; c'est bien cela. Je reconnais L'avenue des casinos et des cafés éblouissants, Avec la perspective de ses blocs de lumière, blancs À travers les rideaux pendants des palmiers sombres. Voici les façades éclairées des hôtels immenses, Les restaurants rayonnant sur les trottoirs, sous les arcades, Et les grilles dorées des jardins de la Résidence. Je connais encore tous les coins de cette ville africaine : Voici les postes, et la gare du Sud, et je sais aussi Le chemin que je prendrais pour aller du débarcadère À tel ou tel magasin, hôtel ou théâtre ; Et tout cela est au bout de cette ondulation bleue d'eau calme… Où vacillent les reflets des feux du yacht… Quelques mois ensoleillés de ma vie sont encore là (Tels que le souvenir me les représentait à Londres), Ils sont là , de nouveau, et réels, devant moi, Comme une grande boîte pleine de jouets sur le lit d'un enfant malade… Je reverrais aussi des gens que j'ai connus Sans les aimer ; et qui sont pour moi bien moins Que les palmiers et les fontaines de la ville ; Ces gens qui ne voyagent pas, mais qui restent Près de leurs excréments sans jamais s'ennuyer, Je reverrais leurs têtes un temps oubliées, et eux Continuant leur vie étroite, leurs idées et leurs affaires Comme s'ils n'avaient pas vécu depuis mon départ… Non, je n'irai pas à terre, et demain Au lever du jour la " Jaba " lèvera l'ancre ; En attendant je passerai cette nuit avec mon passé, Près de mon passé vu par un trou Comme dans les dioramas des foires. (Valery Larbaud, Les Poésies d'A.O. Barnabooth, 1913)
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