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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-10-20 | [This text should be read in francais] | Submited by Guy Rancourt
C'est un petit chat noir, effronté comme un page.
Je le laisse jouer sur ma table, souvent. Quelquefois il s'assied sans faire de tapage ; On dirait un joli presse-papier vivant. Rien en lui, pas un poil de sa toison ne bouge. Longtemps il reste lĂ , noir sur un feuillet blanc, Ă ces matous, tirant leur langue de drap rouge, Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant. Quand il s'amuse, il est extrĂȘmement comique, Pataud et gracieux, tel un ourson drĂŽlet. Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique Quand on met devant lui la soucoupe de lait. Tout d'abord, de son nez dĂ©licat il le flaire, Le frĂŽle ; puis, Ă coups de langue trĂšs petits, Il le lampe ; et dĂšs lors il est Ă son affaire ; Et lâon entend, pendant qu'il boit, un clapotis. Il boit, bougeant la queue, et sans faire une pause, Et ne relĂšve enfin son joli museau plat Que lorsqu'il a passĂ© sa langue rĂȘche et rose Partout, bien proprement dĂ©barbouillĂ© le plat. Alors, il se pourlĂšche un moment les moustaches, Avec l'air Ă©tonnĂ© d'avoir dĂ©jĂ fini ; Et, comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches, Il se relustre avec soin son pelage terni. Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ; Il les ferme Ă demi, parfois, en reniflant, Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes, Avec des airs de tigre Ă©tendu sur le flanc. Mais le voilĂ qui sort de cette nonchalance, Et, faisant le gros dos, il a lâair dâun manchon ; Alors, pour lâintriguer un peu, je lui balance, Au bout dâune ficelle invisible, un bouchon. Il fuit en galopant et la mine effrayĂ©e, Puis revient au bouchon, le regarde, et dâabord Tient suspendue en lâair sa patte repliĂ©e, Puis lâabat, et saisit le bouchon, et le mord. Je tire la ficelle, alors, sans quâil le voie ; Et le bouchon sâĂ©loigne, et le chat noir le suit, Faisant des ronds avec sa patte quâil envoie, Puis saute de cĂŽtĂ©, puis revient, puis refuit. Mais dĂšs que je lui dis : « Il faut que je travaille, Venez vous asseoir lĂ , sans faire le mĂ©chant ! » Il sâassied⊠Et jâentends, pendant que jâĂ©crivaille, Le petit bruit mouillĂ© quâil fait en se lĂ©chant. (Edmond Rostand, Les Musardises, 1911)
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