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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-06-07 | [Acest text ar trebui citit în francais] | Înscris în bibliotecă de Guy Rancourt
Les filles de Tanger ont une étoile sur chaque sein. Complices de la nuit et des vents, elles habitent dans des coquillages sur rivage de tendresse. Voisines du soleil qui leur souffle le matin telle une larme dans la bouche, elles ont un jardin. Un jardin caché dans l’aube, quelque part dans la vieille ville où des conteurs fabriquent des barques pour les oiseaux géants de la légende. Elles ont tressé un fil d’or dans la chevelure rebelle. Belles comme la flamme levée dans la solitude, comme le désir qui lève les paupières de la nuit, comme la main qui s’ouvre sur l’offrande, fruit des mers et des sables. Elles vont dans la ville répandre la lumière du jour et donner à boire aux hommes suspendus aux nues. Mais la ville a deux visages : l’un pour aimer, l’autre pour trahir. Le corps est un labyrinthe tracé par la gazelle qui a volé le miel aux lèvres de l’enfant. Une écharpe mauve ou encre nouée sur le front pour préserver l’écrit de la nuit sur le corps vierge. Une fleur sans nom a poussé entre deux pierres. Une fleur sans parfum a allumé le feu dans le voile du jour froissé. Une fente dans les lèvres par où passe la musique qui fait danser les miroirs. Les filles, descendues d’une crête voisine, nues derrière le voile du ciel, mordent dans un fruit mûr. Il pleut l’écaille sur le voile. Le voile devient ruisseau. Les filles, des sirènes qui font l’amour avec les étoiles. Les filles de Tanger se sont réveillées ce matin. Elles avaient du sable entre les seins. Assises sur un banc du jardin public. Orphelines.
(Tahar Ben Jelloun, Les amandiers sont morts de leurs blessures, 1976)
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