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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2013-04-05 | [This text should be read in francais] |
UNE POÉSIE SALVATRICE TOUT
AUTANT QU’UN CRI DU COEUR Ce livre, qui fait suite à «Dolor», est une célébration de la Vie en même temps qu’un chant d’amour à l’adresse de la Roumanie authentique, loin des chants à la glorification de la patrie (Cântarea României) de l’époque du dictateur. Le recueil se divise en deux parties, la première partie s’intitulant d’ailleurs «celebratio». Ecoutons cette voix condamnée au silence sous la dictature et qui avec tendresse et sensibilité brosse de véritables archétypes au travers de portraits – plus intimes – de ses ancêtres: grands-parents, parents, (ainsi que nous le signalent les dédicaces de ces poèmes), en une Célébration – «Celebratio» – titre de l’ouvrage: A ma grand-mère Floarea: „Cette femme sèche ne se plaint /Jamais… Elle se nourrit à peine/Courbée sur son tabouret trop bas“ («la Veuve»), à mes grands-parents Ilusz et Mihaly: „Les deux petits vieux /S’appuient l’un sur l’autre… Ils se reposent un petit instant / Sur le banc vieilli“ („Les inséparables“)... Gens simples, humbles, dévoués à leur tâche, c’est là toute l’âme du peuple roumain que nous (dé) livre l’auteur dans de beaux vers aux doux accents de la nostalgie de son enfance. „Monter les poneys de l’innocence / Boire la mousse chaude du lait“ („Pluie de farine de maïs“). La poésie est le lien qui relie l’homme à son âme, elle se transforme chez l’auteur en un exercice de mémoire qui peint lieux et paysages dans l’évocation de scènes de la vie rurale, dans leur labeur quotidien. Nous retrouvons là les thèmes de la famille comme cellule constitutive de l’être, mais aussi ceux de la nature, à travers les forêts et les cours d’eau, des rites traditionnels lors des fêtes qui rythment la vie: „La matronne a des mains âpres / Trait, pétrit des pains / Laboure les lopins de terre.“ („La patriarche“), „Des femmes (tapent) au lavoir / Blanchissent les corsages fleuris / Dans la clarté des torrents.“ („Brassées de chanvre“). La Roumanie devient un espace-temps et l’auteur, dans ses références culturelles roumaines recouvre son identité (roumaine) dans cette mémoire séculaire où la poésie explore la nostalgie, l’univers du dor, de la complainte, la doïna, avec les thèmes de la culture populaire, chers à Eminescu, éléments clefs de la littérature roumaine: „Je me suis laissée/ Noyer dans l’odeur / Du blé“ („Balade“); „les forêts dorment paisiblement / ensevelies sous la neige“ („Le sommeil des forêts“). La Roumanie est également personnifiée dans l’image de la maison, mèrepatrie en tant que foyer séculaire et havre de réconfort „Chercher la petite forêt vierge… Toucher l’arbre berceau et tremplin … Revoir le puits encerclé de fougères … Revoir la petite chaumière / Bleu, blanc, ciel“ („Casa“). Angela Nache Mamier célèbre aussi la femme dans son recueil. Tout au long des poèmes, nous voyons la jeune fille qui s’accomplit, se marie et devient mère. „De jeunes pucelles / Prennent leur contour virginal / Dans les matrices des noces“ („Hora la ronde“), „Ils acquiescent à l’union / Comme il se doit“ („Eclats de noce“). Dans le poème „Mater“, la femme se métamorphose en Mère. L’auteur utilise en parallèle la métaphore de la récolte féconde des blés mûrs à point, transformant ainsi en archétype de la terre mère nourricière cette Mère, qui lors de la mise au monde, perpétue la relation essentielle – cette „exceptionnelle rencontre“ – avec son enfant, l’inscrivant dès sa venue au monde dans la continuité des générations et du savoir: „Moi, la Génitrice du fils / Découvrant mon enfant / Quelle exceptionnelle rencontre“ („Mater“). Cet achèvement est précurseur d’un avènement: quand un cycle finit, un autre naît. „Faites disparaître les mauvais instants / Brûlez-les au-dessus de la terre“ („Incantation“) Et dans la deuxième partie, nous assistons au départ pour l’exil de la poétesse et ses adieux au pays, où le regard glisse hors du temps, „Les genoux hésitants / Portent les valises lourdes / Et torrides de la vie.“ („Au revoir les parents“), départ vers l’hexagone avec deux enfants et deux valises: „Une nouvelle vie dans un clin d’oeil / Cyclonique. / Blottis, un peu ridicules / Avec leurs coeurs – menhirs de rubis“ („Coeurs menhirs“) dédicacé à ses deux fils, à la merci d’un destin incertain: „J’arrive à te dire qui je suis / Qui es-tu vraiment?“ („Sur la route“), passage également des ténèbres vers la lumière avec la nécessaire métamorphose du poète face à sa nouvelle réalité: „Le droit au bonheur oscille/ Entre les tempêtes et le ciel clair / Car rien ne ressemble plus / Aux débuts“ („Humaine“).... sans pour autant renier ses origines: „J’habite le passé, je l’appuie/ De mes paupières“ („Les fontaines de la mémoire“). Et ce regard plonge dans la lumière crue d’un monde dévoilé au travers d’instantanés qui nous éblouissent dans une „contre- vision“ au travers d’écrits qui se veulent témoignages. Ce sera à nouveau la Roumanie, mais cette fois-ci dans la vision de l’autre, qui provoque une nouvelle confrontation avec soi-même: „Cet enfant roumain et tzigane / S’accroche … Il vient à peine de quitter / Les jupes de sa mère mendiante“ („Enfant du vent“). Voici donc la dure réalité de ces compatriotes qui essaient de survivre, à la merci des vendeurs de rêves ensanglantés et faux-monnayeurs du bonheur: „Leurs comparses / Accrochent à leur gorge / Des idylles 46 moribondes…(De) ceux qui les vendent / Dans les vitrines du sexe – / L’esclavage, l’amour monnayé“ („Filles de l’Est“). Et pourtant... Ce sont ces mêmes racines qui donnent la force à l’auteur de continuer plus loin dans sa quête du bonheur, vers la lumière de cette célébration de la vie. „Les bleus de la chanson / Sans adresse / Sont la mesure de la honte / D’où nous allons tirer la force /Si nécessaire pour rebondir, / Et saisir les joies du monde“ („Au-dessus“). La poésie se fait catharsis, exutoire des émotions et du trop plein de vie, les souvenirs d’enfance étant les semences de cette mémoire qui laissent place maintenant à une moisson féconde, la famille s’agrandit avec les naissances heureuses des petits enfants, et dans cette génération mixte aux deux pays, l’intégration est réussie. „Cette femme attend stupéfaite et / Blanche / Le miracle de la naissance.“ („L’arôme du sein“) poème dédié „A mes petits enfants franco-roumains: Leïlou, Willyam, Nicolas, Léo, Erine, Iris, Juliette, Maélie“. Roumaine, femme, et poète: au travers de ses trois composantes, Angela Nache Mamier livre un très bel hommage à son pays, ses racines et ses ancêtres, ainsi qu’à la Vie toujours porteuse d’espoir et de lumière, en une lyrique parfaitement achevée et contenue, toute en dignité et clairvoyance loin des clichés et de tout sentimentalisme débordant. Célébration et témoignage tout à la fois, empli d’humanisme, ancré dans la réalité comme l’est notre pain quotidien. Une poésie salvatrice tout autant qu’un cri du coeur. NICOLE POTTIER |
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