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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2015-01-23 | [This text should be read in francais] | Submited by Guy Rancourt C’est une paysanne, elle est vieille, fanée, Elle coud sans relâche, et d’année en année Elle penche toujours un peu plus son front blanc Et ralentit encor son doux geste tremblant. Près d’elle je m’asseois ; la fenêtre entr’ouverte -Si c’est l’été, nous jette une lumière verte, Un trésor de parfums, un concert d’oiselets ; - -Si c’est l’hiver, frileux nous fermons les volets, Tous deux nous nous penchons sous la lueur austère De sa lampe rustique avare de lumière, - Les vents sont déchaînés dans les sentiers obscurs, La pluie en ruisselant crépite sur les murs, Nous écoutons grincer les dents de la rafale. Elle lève parfois vers le mien son front pâle Et se signant tout bas me dit : Ce sont les morts ! » Ou bien : « Il faut prier, les marins sont dehors ! » Alors tandis qu’il pleut, qu’il tourbillonne et vente, Du travail patient j’arrête sa main lente, Je dis : « Te souviens-tu quand j’étais tout petit ? » Elle lève les yeux, regarde au loin, sourit… « Quand vous étiez petit – et sa voix tendre Comme pour un secret que je dois seul entendre – Vos cheveux étaient blonds comme ceux d’un Jésus, Vous ne vouliez jamais mettre un chapeau dessus, Vous alliez au soleil courir, les jambes nues… Ah ! votre mère et moi nous sommes revenues Folles de désespoir des étangs et des bois… On vous a cru noyer, perdu, tué cent fois ! Et comme nous pleurions, méchant diable – pauvre ange ! On vous voyait sortir d’un arbre ou d’une grange, Les cheveux pleins de paille et les yeux de soleil. Alors on vous grondait ! Mais bah ! dès le réveil, Vous sautiez la croisée et pour être à votre aise Vous oubliiez souvent vos habits sur la chaise ! Puis, lorsque je venais ouvrir votre rideau, Je trouvais que le nid n’avait plus son oiseau… Hélas ! je me penchais à la fenêtre ouverte, Voyant un petit bas traîner sur l’herbe verte, Les canards qui volaient éperdus, les biquets Courant dans le verger, les pigeons inquiets Et la jument lâchée errant dans la prairie, Les deux chiens qui jappaient près de la métairie, Sans autre chose encor qui me le révélât, Je me disais : Seigneur, il a passé par là ! Votre père criait : c’est l’heure de l’école ! Et moi, je n’osais plus répondre une parole Je tremblais. Il montait, il voyait que le lit Était vide et jurait : Encore, oh ! le bandit ! Vous le surveillez mal, sa mère le protège, Il est grand temps, morbleu ! qu’on le mette au collège. -Mon pauvre cher petit, vous n’aviez pas six ans – Il n’apprend rien ! j’entends élever mes enfants Qu’on me le cherche ! Allez… -Le chercher, pourquoi faire ? Disait, la voix timide et douce, votre mère, Non, non, vous irez fort, vous lui ferez trop peur ! Laissez-moi lui parler, il m’aime, il a bon cœur ! Il est encor, mon Dieu, si petit pour s’instruire ! -Mais c’est un polisson ! mais il ne sait pas lire ! C’est honteux, désolant ! -Oui je le gronderai Tout aussi fort que vous ; oui, je le punirai ! -Vous punir, la chère âme !! et pour avoir l’air ferme Je répéterais bien haut : Il faudra qu’on l’enferme ! -Mais, quand vous reveniez à l’heure des repas, Vous étiez si câlin qu’on ne vous grondait pas… Je plaidais : Oh ! voyez comme il est vif et rose ! Il est si grand, si fort, écoutez comme il cause ! » « Votre mère baisait vos cheveux mille fois, -Comme il est beau mon fils, me disait-elle à mi-voix ! » Surbiton-Hill, février 1902 (Jeanne Neis Nabert, alias Sijenna, Humble moisson, 1903, pp. 25-27)
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