agonia
english

v3
 

Agonia.Net | Policy | Mission Contact | Participate
poezii poezii poezii poezii poezii
poezii
armana Poezii, Poezie deutsch Poezii, Poezie english Poezii, Poezie espanol Poezii, Poezie francais Poezii, Poezie italiano Poezii, Poezie japanese Poezii, Poezie portugues Poezii, Poezie romana Poezii, Poezie russkaia Poezii, Poezie

Article Communities Contest Essay Multimedia Personals Poetry Press Prose _QUOTE Screenplay Special

Poezii Românesti - Romanian Poetry

poezii


 


Texts by the same author


Translations of this text
0

 Members comments


print e-mail
Views: 2060 .



MARIANNE
poetry [ ]

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
by [Tarass_CHEVTCHENKO ]

2022-04-10  | [This text should be read in francais]    |  Submited by Guy Rancourt




« Un dimanche, dans la prairie, — les jeunes filles se promenaient, — plaisantaient avec les garçons — pêle-mêle ; elles chantaient — l’aurore du matin et du soir, — et comment la mère battait sa fille — pour l’empêcher d’aller avec un Cosaque. — Ordinairement les fillettes — chantent ce qui les concerne ; — c’est ce qu’elles savent le mieux.
« Et voilà qu’un vieil aveugle, — avec un petit garçon, — arrive d’un pas chancelant dans le village, — ses souliers à la main, — un sac d’écorce de tilleul — sur l’épaule…
« Regardez, fillettes, — le kobzar ! voilà le kobzar ! — Et toutes, se hâtant, — laissant là les garçons, courent — à la rencontre de l’aveugle. — Vieux père, cher cœur, mon petit ramier, — chante-nous quelque chose ! — Je te donnerai du gâteau ; moi, des cerises ; — moi, de l’hydromel pour te rafraîchir… Chante-nous quelque chose !
« — Oui, mes chéries, j’entends ; — merci, mes fleurettes, — pour vos paroles gentilles. — J’aurais bien joué,… mais voyez, — il n’y a pas moyen, pas moyen ! — Hier, j’étais dans une foire, — ma kobza a été cassée… — Il ne reste que trois cordes !… — Eh bien ! avec trois, comme tu pourras ! — Avec trois ! ah ! fillettes, — il fut un temps où je jouais avec une seule ; — mais à présent je ne pourrais plus. — Attendez un peu, mes chéries, — je vais me reposer un moment. — Asseyons-nous, gamin !
« Ils s’assirent. Le vieillard défit son sac, — et en tira la kobza. Deux ou trois fois — il fit résonner les cordes… — Que chanterai-je ?.. Attendez… — La brune Marianne… — L’avez-vous déjà entendue ? Non ? — Alors, écoutez, fillettes, — et rentrez en vous-mêmes…
« — Au temps jadis, — il y avait une mère — restée veuve, et pas jeune. — Elle avait des bœufs, des chariots. — Sa fille Marianne grandit, — devint une demoiselle — aux sourcils noirs, merveilleusement belle, — digne d’un pane hetman. — La mère se mit à chercher, — à chercher un gendre ;… — mais ce n’est pas un pane que Marianne — allait voir en cachette, — c’est Pètre qu’elle allait voir, dans le bois, — dans la prairie, — tous les soirs. — Elle babillait et badinait avec lui, — l’embrassait en extase, elle était au paradis… et parfois — elle pleurait sans dire une parole.
« — Pourquoi pleures-tu, mon bel oiseau ? — lui demandait Pètre. — Elle le regardait, et, souriante ; — Je n’en sais rien moi-même ! — Tu penses peut-être que je t’abandonnerai ? — Non, j’irai avec toi et je t’aimerai — tant que je vivrai. — Tu plaisantes, mon ramier, — tu penses à quelque chanson… — Les kobzars disent ces choses-là, — mais ils sont aveugles ! Ils ne savent pas — qu’à mon bien-aimé Pierre — du fond de la tombe noire, — je souriais, en lui disant : — Mon aigle aux ailes bleues, — je t’aimerai dans l’autre monde — comme je t’ai aimé dans celui-ci.
« Voilà comment ils s’aimaient, — et comment ils voulaient — s’aimer jusque dans l’autre monde… — Mais il n’en fut pas ainsi… — Marianne ne savait qu’aimer, — elle pensait que ce sont des histoires de kobzars, — d’aveugles qui ne voient pas les yeux bruns — et qui médisent des jeunes filles… — Ils médisent de vous, fillettes, mais ils disent vrai. — Moi aussi, je médis de vous, car je connais le mal ; — Dieu vous fasse la grâce de ne pas savoir ici-bas — ce que je sais !… Il fut un temps, fillettes, — où mon cœur ne dormait pas ; je ne vous ai pas oubliées ; — je vous aime depuis lors comme une mère ses enfants. — Je chanterai pour vous tant que je vivrai… — Et, mes chéries, quand je ne serai plus, — souvenez-vous de moi et de ma Marianne. — Moi, de l’autre monde, je vous sourirai tendrement, — je vous sourirai…
« Et il se prit à pleurer. — Enfin, au bout d’un moment, grâce — aux caressantes paroles — d’une gentille fillette… Voyez, — dit-il en essuyant ses yeux aveugles, — voyez, mes chéries, — malgré moi je m’attendris…
« La mère s’étonnait pourtant : — Qu’est-ce qui arrive, pensait-elle, — à Marianne ? Elle s’assied pour coudre, — et elle ne coud pas ! — Dans ses rêveries, au lieu de chanter Gritsa, elle chante Pètrouss ! — En dormant, elle parle, — et donne des baisers à son oreiller !
« Elle commença par rire, — puis, voyant que c’était sérieux, — elle dit à Marianne : — Tut t’aperçois, je m’imagine, — qu’il faut songer à te marier ? — Et avec qui, maman ? — Avec celui que je te choisirai !…
« Marianne, restée seule, chanta : — Ton bonheur est fini, — fini pour la vie… — Pourquoi hier, en revenant, — ne t’es-tu pas endormie pour toujours ? — Il serait moins cruel de dormir — seulette dans le tombeau. — Peut-être alors sur toi ta mère aurait-elle pleuré ! — Maintenant ta mère ne te pleurera pas, — ne chantera pas derrière ton cercueil, — et tu seras malheureuse encore, encore, — jusqu’à ce qu’on te mette dans la terre !
« Un soir, pendant que sa mère — dormait, elle sortit — pour écouter le rossignol, — comme si, de sa vie, elle ne l’eût entendu. — Elle sortit dans le jardin, écouta, — chanta un peu à son tour, — puis se tut. Sous un pommier, — silencieuse elle s’arrêta — et pleura comme pleure — un enfant sans mère…
« — Maman, que je suis malheureuse ! — Pourquoi m’as-tu donné — ma beauté et mes sourcils noirs — et mes yeux bruns ? — Tu m’as tout donné, mais ma part — ma part, tu me la refuses… — Pendant que je ne connaissais pas la peine, — pourquoi ne m’as-tu pas enterrée ? »
« Marianne à travers ses larmes — ne voyait pas la lumière du jour. — Elle se mit à chanter : — « La lune brille à travers la forêt » — Elle chantait, s’interrompait, — prêtait l’oreille, recommençait encore,… — sa faible voix se fatiguait, — mais elle n’entendait ni la voix — de Pètre, ni son cri d’appel, — ni ses paroles accoutumées : « Marianne, — où es-tu, mon bel oiseau ? chante, — mon cher cœur, ma bien-aimée ! »
« Pètre n’était pas là… — Serait-il possible qu’il eût abandonné — la pauvre fille aux noirs sourcils, — en cette heure mauvaise ? — Voyons encore, se dit-elle… Cependant, — le long du bois sombre, — comme une roussalka qui attend la lune, — Marianne se promène. — Elle ne chante plus, la fille aux noirs sourcils, — elle pleure amèrement… — Oh ! reviens, regarde, — oublieux Cosaque ! — Marianne est épuisée, — mais elle ne sent pas la fatigue ; — seule, dans le bois et dans la prairie, — elle erre toute la nuit. — Le ciel rougit, puis le soleil paraît ; — la jeune fille jusqu’à la cabane — emporte sa douleur. — Elle arrive, elle regarde — sa mère qui dort. — « Oh ! si tu savais, mère, — quel serpent — s’est enroulé autour du cœur — de l’enfant de ton sang !…
« Et elle tomba sur son lit — comme dans un cercueil… »
Traduction d’Émile Durand-Gréville

(Émile Durand « Le Poète national de la Petite-Russie. - Tarass-Grigoriévitch Chevtchenko » in Revue des Deux Mondes, 3e période, tome 15, 1876, pp. 919-944)

.  | index










 
poezii poezii poezii poezii poezii poezii
poezii
poezii Home of Literature, Poetry and Culture. Write and enjoy articles, essays, prose, classic poetry and contests. poezii
poezii
poezii  Search  Agonia.Net  

Reproduction of any materials without our permission is strictly prohibited.
Copyright 1999-2003. Agonia.Net

E-mail | Privacy and publication policy

Top Site-uri Cultura - Join the Cultural Topsites!