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Des hommes venus d\'ailleurs(2)
prose [ ]

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by [BOKAY ]

2007-01-11  | [This text should be read in francais]    | 



Des hommes venus d’ailleurs (N°2)

Clovis accroche ses mains au volant et plaque ses épaules contre le dossier du siège. Les yeux rivés à la route il monte le moteur en régime et fait hurler les six cylindres de sa vieille allemande. Les roues arrières grattent le bitume et ma tête vient heurter l'angle de l'appui-tête.
Surpris par cette brutale accélération les passagers de la Volvo se laissent distancer. Ils accélèrent à leur tour, mais notre avance est appréciable et ne cesse d'augmenter. La route semble tracer au cordeau, toute droite; les arbres se serrent et défilent comme un mur en mouvement,.
---C'est bon, je les tiens à distance, dit Clovis en levant les yeux vers le rétro.
--- Vas pas nous planter! Dis-je. Tu crois pas qu'on aurait mieux fait de leur rendre leur machin?
---Trop tard, dit Clovis.
Moi, j'aime pas tout ça! On était tranquille, perché dans notre petit paradis à filmer nos oiseaux et à présent nous voici embarqués dans une histoire de fou... Ah c'est bien Clovis! Toujours à chercher la merde quand ça va trop bien. J'ai hâte qu'on les sème ces types, ça va mal finir cette histoire.
Arrivés au bout de la ligne droite, on est à fond! Le virage à droite est serré mais Clovis connaît la route par coeur.
--- Tu vas voir, s'ils prennent le virage à fond, ils pourrons pas redresser... dit Clovis,
La Volvo est assez distancée, je ne la vois pas encore. Nous en tous cas, on a réussi, les pneus ont gueulés comme si on leur arrachait leurs tripes, mais on est passé. Par contre, c'est une autre affaire pour nos poursuivants, ils filent tout droit dans le talus.
--- On les a eu! Jubile Clovis, ils se sont plantés! Tout droit les mecs, direct dans le fossé!
Je me sens soulagé, enfin débarrassé de ces types et de cette histoire de dingue! Je me demande si Clovis mesure bien la gravité de la situation, il se comporte comme un gamin qui découvre un nouveau jeu vidéo. La route est presque déserte mais il ne prêtant pas réduire sa vitesse. J'insiste et lui demande de lever le pied, une fine poudreuse voltige et s'agglutine en traînées blanches le long de la route.
--- Après toutes ses émotions, j'ai envie d'une bonne bière, dis Clovis, t'as rien contre?
Ca ne pouvait mieux tomber, moi aussi je pense qu'une pause nous fera le plus grand bien
Par prudence, nous quittons la nationale et bifurquons à gauche. Une départementale parsemée de nids de poules nous conduit à un petit village. Il semble désert comme s'il était inhabité. Je ne sais si c'est l'émotion, mais tout me paraît étrange et suspect. A l'angle de l'unique croisement, un petit café, quelconques, et sale en plus. Clovis se gare juste devant la porte du troquet.
A droite, un énorme chien noir tire sur sa laisse en gueulant tant qu'il peut. A chaque coup de collier, sa niche branle et la corde se tend, prête à se rompre.
Je pousse la porte. Debout derrière le comptoir, un type lève la tête de son journal, il nous dévisage comme si nous venions d'une autre planète.
--- Putain de temps hein! Dit-il en guise de bonjour.

--- Oui putain de temps, répond Clovis.
Personne dans le troquet! Un Dimanche! C'est vraiment la cambrousse ici, on se demande où sont les habitants. J'essaie de parler avec le patron, mais comme il replonge sans cesse la tête dans son journal, je comprends qu'il n'a pas envie de discuter. Par contre, Clovis lui discute, déjà trois fois qu'il me raconte comment il faut aborder le virage pour ne pas se planter comme nos poursuivants. Ils vient de réaliser un exploit avec sa vieille guimbarde pourri et il en est fière. Imagine-t-il seulement ce qui serait arrivé si nos Lascars nous avaient rejoint?
La porte du café s'ouvre brutalement, une dizaine de gars, tous en tenue de chasse et fusils sur l'épaule pénètre en parlant très fort. Leurs vêtements est recouvert d'une fine couche de neige qui fond presque instantanément. Le patron sort subitement de sa léthargie et se mêle aux différentes conversations avec fougue. Nous avons l'impression d'assister au tournage d'un film sur la France profonde, alors que Paris est à moins de soixante kilomètres.
Un des gars se tourne vers nous.
--- Parisiens? Vous êtes aux champignons?
--- Non, dis-je, nous sommes spécialistes des oiseaux, photos, film...
Son visage se transforme subitement, sans nous demander notre avis il tire une chaise de notre table, accroche son fusil au dossier et s'installe avec nous. C'est vrai qu'il y a un point commun entre eux et nous: les oiseaux. Pour des raisons différentes, mais n'empêche...Il nous pose une foule de questions, nous demande notre avis sur telle ou telle espèce. Puis il nous raconte sa journée de chasse. Rien de passionnant, on l'écoute plus par politesse que par plaisir, mais soudain, un détail glissé dans la conversation attire notre attention.
--- Au début, je croyais que vous faisiez parti de ces types qu'on voit tous les dimanches et qui cherchent des champignons. Enfin c'est ce qu'ils disent car je ne les ai jamais vu ramasser le moindre champignon, surtout que c'est plus vraiment la saison.
--- Et vous trouvez ça bizarre? Dis-je.
--- On cause dans le village. Il y en a qui disent Qu'en réalité ils cherchent un terrain pour implanter une usine ou je ne sais quoi... Mais moi, j'y crois pas.
--- Alors qu'est-ce qu'ils cherchent? Dis-je.
--- Ca, on ne sait pas, ils sont toujours à rôder autour du château de Montagore, c'est à cinq kilomètre d'ici. Faudrait demander à Gérard, c'est la dernière fermes en retournant sur Paris, paraît qu'il sait des choses, lui il les appelle ''oiseaux''. Il dit qu'entre eux ils sifflent comme des oiseaux! Enfin des conneries quoi! Mais vous savez, le Gérard, depuis la mort de son gamin, c'est plus ça, il perd la tête. En tous cas moi, j'veux pas me mêler de tout ça..., Il tire sa chaise, reprend son fusil et va se joindre aux autres.
Nous nous levons aussi et nous quittons le café. Il fait déjà presque nuit, un vent glacé chasse la neige horizontalement. Le chien ne dit plus rien, Allongé de tout son long, il semble dormir près de sa niche, comme mort. Clovis fouille dans ses poches pour en retirer les clefs de sa voiture quand je sens quelque chose de froid dans mon cou...
--- Bouge pas, les mains sur la voiture! Dit une voix aiguë sur un ton monotone.
J'essaie de me dégager mais la pression exercée sur mon cou est intense et je reste immobile, comme paralysé.
--- Mais lâchez-moi, merde! Qu'est-ce que vous voulez? Dis-je.
--- Vous le savez ce que nous voulons... Ce qui est à nous! Voilà ce que nous voulons
--- Je ne comprends rien de ce que vous dites, dis-je. Nous n'avons rien à vous!
--- Amène-les, dit le troisième resté à la voiture, on les embarque...
mon agresseur lâche mon cou, me tire par le poignet, ouvre la porte de la Volvo et me balance sauvagement à l'intérieur. Clovis subit le même sort et vient s'écraser sur mes genoux. Les autres s'engouffrent dans la voiture qui patine dans l'herbe, part en crabe avant d'attraper le dur et de partir en hurlant. A l'arrière, nous sommes quatre sur la banquette, s'est serré car les types sont corpulents.
--- Mais vous êtes cons! On ne vous a rien fait dit Clovis.
--- La ferme! Répond le type juste à côté de lui en levant une énorme main à hauteur de son visage.
Nous parcourons ainsi quelques kilomètres, puis la voiture s'arrête devant un imposant portail qui s'ouvre en deux parties. La voiture repart très lentement, comme avec précautions. Soudain, un éclair illumine le ciel, le temps d'une seconde. Puis je ressens une violente décharge électrique et ma tête se compresse, j'ai l'impression qu'elle va exploser!
Mais non, sitôt le portail franchi, le mal disparaît comme il est venu. D'une seconde à l'autre, tout a changé... Le jour à fait place à la nuit, le soleil chauffe dans un ciel sans nuage et devant nous sur un fond de verdure, un château, celui que nous avons vu en projection dans la grotte. Je me retourne vers Clovis, n'osant parler, je l'interroge du regard. Un mouvement de ses yeux en direction du château me fait comprendre que lui aussi reconnaît le château. Je me sens complètement déstabilisé, je cherche des repaires, je m'efforce d' expliquer ce changement de saison et d'heure, cet éclair... C'en est trop, je ne sais plus, j'ai besoin de temps... Je rassemble mes forces pour faire le point et réfléchir, mais je sens un coup porté à ma tête...


BOKAY Mes écrits et dessins : http://bokay.over-blog.org/







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