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Poezii Românesti - Romanian Poetry

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Des anges et des couleurs...
communities [ Culture ]

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by [CFR ]

2006-12-05  | [This text should be read in francais]    | 












Nous avons lu avec délices le nouveau livre de notre Grand Ami napolitain Roberto PASANISI : GLI ANGELI (Les Anges). Et force nous est d’avouer notre étonnement – certes, agréable, car motivé – devant cette belle réussite ! Bon écrivain ne saurait mentir, c’est vrai, mais le saut - sans filet - osé par ce grand Poète dans le domaine de la prose, est une prouesse assez rare, couronné de succès dans son cas.
Ce Professeur d’Université (très apprécié en Roumanie, où il enseigne depuis pas mal d’années, comme Visiting Professor), ce Directeur d’un Institut Italien de la Culture, ce Directeur d’une fameuse et très élaborée revue littéraire : NUOVE LETTERE, est toujours en quête du nouveau, ou de son vrai soi… Ou du nouveau-né qui pourrait s’incarner à partir de lui… ou des essences cachées au fond de nous-mêmes, et qu’il nous incombe de mettre à jour… Ne fût-ce que dans le champ des lettres, il s’en invente toujours des genres et des tentatives - toujours autant de coups de maître et d’exploits… Et il faut dire qu’il sait comment s’y prendre !
En vrai Maître de la prose, il en impose déjà par sa possession des moyens et procédés spécifiques de ce genre, et nous offre une sorte de prose filmique, une sorte de scénario qu’il déroule de main de maître devant nos yeux : il cherche presque à nous en faire accroire, laissant l’impression de tenir à la main non pas une plume (génériquement parlant…), mais bien une caméra qu’il promène le long de son propre miroir, que ce soit son âme, son esprit, son alter ego, ses idéaux, rêves ou angoisses.
Il a choisi d’écrire sur lui-même, de filmer/enregistrer ses émois, ses douleurs, ses aspirations, ses craintes, ses désirs (il se psychanalyse parfois outre mesure, en nous révélant l’irrévélé…) et, pour ce faire, il change toujours de plans et de dimensions – il voit les choses en grand, il vise haut, parfois même à devenir un ange, pour rejoindre l’Ange… Celui qui fut sa mère, dont la mort lui a coupé ses propres ailes, lui a fait perdre contenance, jusqu’au Nord, parfois… Et pour refaire surface, il se mue en metteur en scène, en protagoniste, en caméraman, en scénariste, etc.
Et pendant qu’on y est à parler de globalisation ou mondialisation, il délocalise son intrigue, comme pour permettre le vol – si vol il y a (et dans quel sens…), comme pour déblayer le terrain en vue de l’arrivée de l’Ange. Le voyage est, certes, initiatique, les plans sont interchangeables, les dimensions sont toujours manipulées aisément (comme si de rien n’était !), tout est là pour fausser les pistes et poser des colles au lecteur dérouté et envoûté à la fois. Il y a superposition de plans, de réalités, il y a confusion et embarras permanents dans lesquels il plonge son lecteur, mais avec quel charme pour ce dernier…
Paru peu après la charnière des siècles (et des millénaires), son livre vient comme pour illustrer l’idée selon laquelle « … à la consommation des siècles, les anges sortiront et sépareront les méchants d’avec les justes ». Par un renversement des axes et des pôles, cette fois-ci, l’Ange sort de scène, et c’est à l’Auteur (Habitant des Hauteurs) de séparer le bon d’avec le mauvais, le grain d’avec l’ivraie… Au fond, à partir de l’étymologie de ce mot : angelus en latin et aggelos en grec, l’on pourrait interpréter le titre de ce livre comme : « Les messagers » ou, en usant de la synecdoque, l’on pourrait mettre « Les messages ».
Et c’est Dieu vrai que les messages abondent, que les messagers des diverses dimensions sont là, fourmillent autour de nous et nous étourdissent de leurs voix, mêlées à celle de l’Auteur. Si tant est que l’Auteur soit l’un d’Eux, ce qui n’aurait rien d’anormal, à la fin des fins… Pourvu que ce soit des anges…
Ce à quoi l’on pourrait rétorquer, avec François Mauriac : « (…) chacun traîne, depuis qu’il est au monde, un ange familier, un ange de Satan qui le soufflette ». En effet, dès qu’il se laisse aller, y compris à la rêverie, quelqu’un le rappelle à l’ordre, le reprend en main… Seulement, s’agirait-il des anges de Satan ? Il y a fort à en douter…
Comme pour tendre la main à Umberto Eco, PASANISI taille en mille facettes le cristal de son histoire, illustrant ainsi, d’une illustre façon (si l’on peut dire) le principe de l’opera aperta, où chacun peut trouver l’interprétation qui lui convient. Rien n’est donné une fois pour toutes, tout est à reprendre, non pas seulement pour la compréhension du texte, mais aussi et surtout pour la beauté et l’inédit de certaines images tout à fait poétiques. Toutes proportions gardées, cela nous fait penser aux poèmes en prose de Baudelaire, mais aussi à son poème « L’aube spirituelle », où il dit (proclame presque) : « Dans la brute assoupie, un ange se réveille ».
Hé oui, il veut endormir la bête pour réveiller l’ange, il veut modeler la bête pour permettre l’avènement de la Belle, mais la brute n’est qu’assoupie, hélas… D’autres fois, les anges n’en peuvent mais, et alors il laissent la place aux brutes, car à bout de forces… A force de lire le mot ange en miroir, on obtient gens… Tout comme les mots ont fait les maux (le malheur) des hommes… Et dire que, en invoquant Dieu, on disait : Ô, Dieu, mais la voix humaine, insidieuse, prononçait, avec une idée de derrière la tête : odieux…
Les anges seraient-ils à ce point aux antipodes des humains ? Les humains seraient-ils tout le contraire des anges ? Tout ce qu’il y a de plus mal ? Et dire que, pour devenir ange, les gens doivent traverser le Styx à la nage… Notre prosateur se pose pêle-mêle toutes ces questions, versant parfois dans la métaphysique, mais d’une manière enchanteresse, qui ne nous laisse à aucun moment soupçonner son intention de nous transmettre un message, un certain message... Et c’est là sa force, sa qualité de style, de persuasion à la fin.
Voilà, pour une fois, un avocat de l’Ange, et non plus du diable, qui plaide si bien sa partition, qu’il émeut tous les jurys de ce monde, et nous espérons qu’il en sera de même des jurys littéraires, que ce soit d’Italie ou d’ailleurs. Du moins, le lui souhaitons-nous ! Car le livre déborde de qualités qui justifieraient un Grand Prix.
Pour revenir les pieds sur terre – tout en parlant des anges – nous ressentons le besoin de citer Gilbert DURAND : « On peut dire que l’archétype profond de la rêverie du vol n’est pas l’oiseau animal, mais l’ange, et que toute élévation est isomorphe d’une purification parce qu’essentiellement magique » (Les structures anthropologiques de l’imaginaires, p. 148).
PASANISI ne rêve pas que de voler, ne traverse pas que des états de rêverie, il vit même ce vol/son vol, en double sens : comme Prométhée aura volé le feu à Zeus, il entend voler le vol aux anges ou, du moins, leurs ailes, pour se détacher de cette terre délétère, trop terre à terre pour qui rêve de s’envoler dans les airs… Et vol signifie élévation spirituelle, renoncement au concret en faveur de l’abstrait, au palpable en faveur de l’imperceptible, à la basse matière en faveur du haut esprit…
Il entend nous exhorter de tenter chacun à notre façon le mythe d’Icare, car le vol est toujours possible, puisque nous sommes tous des anges déchus, à qui on aura coupé (ou volé ?) les ailes… Qui a volé, volera, qui a bu, boira… Qui ne risque rien, n’a rien, et les périls foisonnent dans le livre de PASANISI, comme si son trajet initiatique était semé d’embûches, parsemé d’obstacles, jonché de pièges…
Il use tout aussi aisément du paradoxe, car il va à l’encontre du même Gilbert DURAND, que nous citerons encore : « L’ange est l’euphémisme extrême, presque l’antiphrase de la sexualité ». Dans son projet de semer ses suiveurs (sic !), il incarne son ange sous les traits (la plupart du temps) d’une femme idéale, qui lui rendrait confiance en lui-même et dans les valeurs du Bien, du Beau et de l’Amour… Et qui dit femme, dit (ou du moins, pense) sexualité, mais il faut dire que PASANISI garde le juste milieu, ne verse pas dans le facile, ni dans le vulgaire, il a tout l’air d’un chevalier d’antan en quête de sa bien-aimée, qui n’attendrait qui lui pour en faire son Champion…
Au fond, l’Auteur est un vrai champion car, en quête de l’Ange blanc, il donne sans cesse la chasse à l’Ange noir, qu’il harcèle sans répit. Pourquoi Dieu et Diable ont la même majuscule ? Pourquoi les mots les plus importants commencent par un D : Dieu, divin, don, en roumain le mot DA (Oui), en latin Di : jour, en français dé (ce coup de dés qui abolit - presque toujours) le hasard, en musique la première note DO, puis d’où (venons-nous ?!) ou doux : le Divin… Autant de questions auxquelles l’auteur ambitionne – apparemment – de répondre…
En quête de la belle, il se re-belle… Voudrait-il se refaire une beauté… ? Au sens figuré, certes… Ange fi(-e-) -d’elle ? Envisage-t-il de loger au bord d’elle ? En tout cas, la vie n’est pas un lavis, l’ablution n’est point un lavement… Et l’amour n’est point une vaine passion, un vice inutile, un passe temps. Il se fie d’elle, oui, aussi est-il un fidèle infidèle, amoureux fou d’une belle – pour une fois – fidèle…
Il y a, pourtant, de ces moments où l’on se dit, avec Pascal, en proie à une noire déprime : « L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange, fait la bête »… (Pensées, VI, 358). Et là, c’est le pessimiste, parfois le cynique qui s’adresse à nous : à quoi rime d’être riche et beau, à quoi rime d’être un grand savant, puisque ce sont les vers qui s’en occupent, et que rien ne reste sur terre ?!
Mais l’ange se mélange de son désarroi et de sa détresse (maîtresse ?!) et le remet de bonne humeur, lui épargne ces humeurs massacrantes, nulles et non avenues ! Ce qui lui fait presque dire, à la fin, avec Baudelaire, encore : « Mais de toi je n’implore, ange, que tes prières, // Ange plein de bonheur, de joie et de lumières ! » (Les Fleurs du Mal, « Réversibilité »).
Une autre Invitation au Voyage ? Apparemment oui, avec les moyens du modernisme (ou du postmodernisme ?!), mais très proche de l’esprit baudelairien, Frère en esprit et en Lumière de Roberto PASANISI, dont l’aura brille et illumine suffisamment ce petit chef-d’œuvre pour que nous nous déclarions ravi de sa dernière (en date) production littéraire, excellente s’il en fut !
Une toute petite question, des plus innocente : serions-nous en quête du même Ange, Cher Frère Roberto ?!


Constantin FROSIN


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