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Ô printemps
poetry [ ]

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by [Jeanne_Neis_Nabert ]

2015-01-25  | [This text should be read in francais]    |  Submited by Guy Rancourt




Quand nous étions encor de petits enfants blonds
Et que le mois de mai modulait des chansons,
Nous allions jusqu’au soir explorer la colline
Pour voir les nids d’oiseaux grandir sous l’aubépine.
Le vent, très doux, passait dans nos cheveux légers
Mêlant un souffle pur aux odeurs d’églantiers ;
Et nous, en poursuivant les vertes demoiselles,
Nous rentrions chargés de jacinthes, de prêles,
De fougères de mai, de renoncules d’or,
De bleus iris sauvages…
Fanés, hélas ! Voyant le précieux trésor
Rapporté fièrement des périlleux voyages
Notre mère disait, en nous baisant au front :
-« Méchants ! on ne sait plus dans quels chemins ils vont ! »
Mais elle souriait. Oh ! si tendrement douce
Que nous l’aimions bien mieux que les vents sur la mousse,
Que les fleurs, les chansons et le rire des bois.

………………………………………………………………………..

Alors, quand il faisait moins chaud, tous à la fois
Au seuil de la maison, sur la pierre couverte
De gerbes de roseaux et de ramure verte,
Nous dressions un autel, enfantin reposoir ;
Tous les gens qui passaient s’arrêtaient pour le voir,
Jamais un vent mauvais n’osa souffler nos cierges ;
À genoux et joignant nos petites mains vierges,
Nous regardions au loin pâlir le ciel vermeil,
Et suivions de nos chants la fuite du soleil.
Nous appelions cela faire un mois de Marie –
-La Madone est brisée, et sa moisson flétrie –
Et sur le seuil joyeux où je priais enfant
Comme un désespéré j’ai pleuré bien souvent. –
Puis tous ceux qui passaient à ces heures mystiques
Les laboureurs traînant leurs chariots antiques,
Les femmes qui portaient leurs enfants sur les bras,
Les filles du pays qui se parlaient tout bas
Venaient mêler souvent leur voix à la prière
Jusqu’à ce qu’endormis à moitié, notre mère
Nous appelât disant : « Il est temps de dormir ;
Voyez, il fait si noir que le loup va venir ! »
Et nous serrant bien fort contre sa robe sombre,
Nous rêvions vaguement de beaux anges sans nombre,
Tandis que nous montions l’escalier plein de noir
Les yeux déjà fermés. – Et comme chaque soir
Notre mère à genoux près du lit des jumelles
Disait nous embrassant : « Dodo ! joignez les mains ! »
Oh ! comme nous rêvions d’oiseaux, de fleurs nouvelles
Que le songe innocent jetait sur nos chemins.

…………………………………………………..

Tous ces doux souvenirs de jeux et de tendresse
Après les tristes jours repassent sur mon front
Comme une aile apportant sa lointaine caresse…
Oh ! si j’étais encor un petit enfant blond !

Pont-Croix, août 1901

(Jeanne Neis Nabert, alias Sijenna, Humble moisson, 1903, pp. 33-35)

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