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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2006-10-16 | [This text should be read in francais] | Submited by Nicole Pottier
Tandis qu’elle s’efforçait d’arranger quelques mèches rebelles échappées de la queue de cheval, la coiffure la plus savante qu’elle connaissait en dehors des cheveux laissés libres sur les épaules, Liliane tressaillit surprise par les accords de La petite musique de nuit résonnant soudainement dans le silence de la pièce. Le téléphone, comprit-elle immédiatement, mais elle mit du temps à trouver la petite boîte noire, cachée au fond du sac à main, parmi de nombreuses autres choses qui remplissent toujours le sac d’une jeune fille. Dans le récepteur, la voix de son amie, Paula, jaillit comme l’orage, sans interruption, avalant les mots, sortant des onomatopées, lui demandant un véritable effort de concentration pour comprendre ce qu’elle disait. En fait, la seule chose importante à retenir, était celle-ci :
- Dans une minute, je suis chez toi. J’espère te trouver prĂŞte et habillĂ©e ! Lilian poussa un soupir, elle ravala une expression pas tout Ă fait Ă©lĂ©gante et, d’un geste brusque, arracha le petit ruban qui retenait ses cheveux. C’était une des fois oĂą elle Ă©tait très mal disposĂ©e. Après trois mois passĂ©s Ă Tel-Aviv, la ville lui semblait toujours Ă©trangère. Elle se sentait plus provinciale que partout ailleurs, plus maladroite qu’elle ne se le figurait. Qu’elle fĂ»t Ă la facultĂ©, avec ses condisciples, ou en cours avec les assistants, et mĂŞme au foyer des Ă©tudiants, oĂą elle ne cessait d’envier les autres, parce qu’ils se sentaient chez eux. Elle avait parfois l’envie d’abandonner. - Je pars, et voilĂ tout ! Je ne pourrai jamais m’habituer Ă la faune de Tel-Aviv, disait-elle Ă Paula, son amie d’enfance, la seule qui pouvait la comprendre, pensait-elle. Lilian avait intĂ©grĂ© la facultĂ© de mĂ©decine avec la note maximale, et Paula considĂ©rait qu’elle Ă©tait gĂ©niale. - Tu as raison, lui rĂ©pondait-elle, conciliante. Les gens sont snobs, mais pour le reste, c’est formidable. Ce n’est qu’une question de temps. Tu verras que tu t’habitueras. Pour moi non plus, cela n’a pas Ă©tĂ© facile quand nous avons dĂ©mĂ©nagĂ©. Toi au moins, tu m’as, moi, mais moi, je n’ai eu personne pour m’encourager. Ce qu’il te manque c’est un peu plus de patience et davantage de distractions. A mon avis, tu es fatiguĂ©e. Tu Ă©tudies trop. Tel-Aviv est une ville que l’on doit d’abord comprendre, plaidait Paula en faveur de la ville. Elle est cosmopolite, bruyante et sale. Elle essaie de rivaliser avec toutes les grandes capitales, mais elle a son propre style. En fait, elle n’a pas de style, mais elle est adorable. J’en suis folle ! Tu verras, cela te plaira Ă toi aussi. C’est impossible que tu ne l’aimes pas. Lilian l’admirait pour son naturel joyeux, pour sa facilitĂ© Ă se lier d’amitiĂ©, pour sa capacitĂ© d’adaptation. Elle aurait voulu ĂŞtre comme elle. « mais, en rĂ©alitĂ©, comme nous sommes diffĂ©rentes ! » pensa la jeune fille avec dĂ©pit, tandis qu’elle fermait la glissière de ses bottes. Ce sont justement les contraires qui s’attirent. Les deux jeunes filles se connaissaient depuis l’enfance et leur amitiĂ© avait continuĂ© mĂŞme après que les Ă©vènements de la vie les eussent sĂ©parĂ©es. Paula, fillette alors âgĂ©e de cinq ans, Ă©tait depuis peu orpheline lorsque son père Ă©tait venu habiter dans leur rue, dans le voisinage. Depuis lors, on pouvait dire qu’elles avaient grandi ensemble. Maman Dina prit l’enfant sous sa protection de femme gĂ©nĂ©reuse, d’autant plus que les deux enfants Ă©taient du mĂŞme âge. Elle ne fit aucune diffĂ©rence entre l’enfant brune aux cheveux noirs frisĂ©s comme la toison reluisante d’un agneau, leur nouvelle voisine, et sa fille, blonde comme un tournesol, que le soleil ne pouvait jamais colorer mĂŞme si elle marchait au bord de la mer, les sandales dans une main et son petit chapeau dans l’autre. Encore que, peut-ĂŞtre, peut-ĂŞtre pourrait-elle bronzer un petit peu. - Tu vas avoir une insolation, la menaçait maman, mais son prĂ©sage ne se rĂ©alisait jamais. Ses cheveux restaient inchangĂ©s, blonds et droits, comme s’ils venaient d’être repassĂ©s, ses joues pâles et transparentes comme de la porcelaine, ses yeux gris telles des violettes sĂ©chĂ©es dans un herbier. Elles mangeaient ensemble, elles allaient Ă l’école ensemble, et mĂŞme parfois, dormaient dans le mĂŞme lit, soit chez Paula, soir chez Lilian , Ă deux maisons de distance. Seigneur, comme elle aurait aimĂ© ĂŞtre brune elle aussi Ă l’époque! Et surtout quand elle fit la connaissance de Simon, que le professeur principal avait ainsi prĂ©sentĂ© : « Votre nouveau collègue de classe, venu de Paris ». Eh oui, elle fut alors la seule qui sut parler avec le garçon vĂŞtu de manière Ă©trange dans un costume en tissu et d’une chemise blanche, alors que tous les enfants de la classe portaient des jeans et de simples t-shirts . Elle seule connaissait bien le français, de chez elle, grâce Ă mĂ©mĂ©. Il la monopolisa sur le champ. Seigneur, et dire qu’elle se rebellait au dĂ©but, lorsque Otilia, sa grand-mère, qu’elle appelait MĂ©mĂ©, s’obstinait Ă lui apprendre le français. - C’est la langue des savants, avait-elle coutume de lui dire sur un ton pĂ©dagogique, mais peu importait Ă Lilian. Elles se disputaient souvent, et mĂŞme une fois, elle se souvint d’être restĂ©e enfermĂ©e tout l’après-midi dans sa chambre et de ne pas ĂŞtre allĂ©e au cinĂ©ma avec ses amis, parce qu’elle avait rĂ©pondu effrontĂ©ment Ă sa grand-mère. - Probablement qu’en France, on n’allume plus la lumière Ă force d’avoir tant de gens Ă©clairĂ©s, elle avait retenu jusqu’à maintenant sa rĂ©ponse impertinente. Mais pour apprendre, elle avait appris la langue française, car personne ne pouvait aller contre MĂ©mĂ© quand celle-ci avait quelque chose en tĂŞte. Et donc, en classe, fière de son savoir, elle fut reconnaissante Ă sa grand-mère. Avec le temps, elle se rendit compte que Simon n’était pas intĂ©ressant et qu’il ne mĂ©ritait ni qu’elle fĂ®t des efforts pour lui, ni qu’elle fĂ»t brune. A ce souvenir, Lilian se mit Ă rire toute seule. Puis la langue française mourut brusquement avec la grand-mère. C’est ainsi que cela se passe, quand on n’a plus personne avec qui parler. Le fil des souvenirs s’interrompit soudainement au moment oĂą Paula franchit la porte, comme une tempĂŞte. - Tu es prĂŞte ? Allons-y ! - Attends juste une minute, que je mette mon manteau. Quel temps fait-il dehors ? - Brrrr… c’est la SibĂ©rie. Prends Ă©galement un bonnet, que maman Dina ne me gronde pas si tu prends froid. Je lui ai promis de faire attention Ă toi. - Si tu te moques de moi, je n’irai nulle part. - J’en suis certaine, dit Paula en Ă©clatant de rire. Dehors, un vent fort les accueillit. Paula n’avait pas trop exagĂ©rĂ©. Le ciel pâle donnait l’impression qu’il allait pleuvoir sous peu. Lilian rassemblait sans cesse ses cheveux de la main. Ils lui rentraient dans les yeux, ondoyant tel un Ă©tendard sur sa gorge. - OĂą allons-nous ? demanda t-elle au moment de fermer la porte Ă clĂ©. Pas trop loin, car j’ai froid. On commence par Ramat-Gan (* ville d’IsraĂ«l). Aux grands magasins. L’autobus s’arrĂŞte justement lĂ -bas. Parfois, il y a de jolies choses, et si on ne trouve rien lĂ , on ira Ă Şenchin (* rue qui porte le nom d’une personnalitĂ© cĂ©lèbre). On s’achètera certainement quelque chose. - Je n’ai pas envie de perdre trop de temps pour une robe et le temps qu’il fait dehors n’invite pas Ă la promenade. Aux grands magasins, c’est une bonne idĂ©e. Il y a plusieurs boutiques dans le mĂŞme endroit. Je verrai peut-ĂŞtre quelque chose d’abordable. Je ne suis pas riche cĂ´tĂ© argent. Je suis sĂ»re que dans l’armoire, on aurait trouvĂ© une toilette adĂ©quate pour le RĂ©veillon, mais toi et tes idĂ©es…. C’était la veille que Paula lui avait parlĂ© de la fĂŞte chez Daniel, et surtout, qu’elles Ă©taient invitĂ©es toutes les deux, elle s’était alors dĂ©pĂŞchĂ©e d’ouvrir l’armoire d’un geste brusque. Elle avait Ă©cartĂ© les cintres les uns après les autres, examinant les vĂŞtements suspendus en ordre, les chemisiers, les deux paires de pantalons, la veste Ă©cossaise que se parents lui avaient rapportĂ©e d’Ecosse, puis elle avait serrĂ© les lèvres nerveusement, tandis que son regard exprimait un mĂ©contentement manifeste. - Tu ne peux pas mettre cela. Pas chez Daniel, et en aucun cas pour le RĂ©veillon. Demain, nous irons acheter quelque chose pour t’habiller. - Demain, je n’ai pas le temps. - Je sais que demain, tu n’as pas de cours. - Oui, c’est mon jour de mĂ©nage. J’ai un tas de choses Ă faire ! - Tu les feras après-demain ! lui dit Paula sans lui laisser le temps de rĂ©agir. Demain, nous irons ensemble choisir une toilette de fĂŞte. Si tu te figures que Hedera est Tel-Aviv, alors lĂ , tu te trompes. Tu as besoin d’autre chose pour le rĂ©veillon. Et je suis sĂ»re que tu ne t’es pas encore promenĂ©e parmi les magasins de Şenchin. C’est lĂ que se trouve le vrai Tel-Aviv. Tu vois, c’est pour cela que tu n’aimes pas cette ville. Tu ne la connais pas. Tu dois lever le nez de tes livres, tu dois t’aĂ©rer plus. Laisse-moi faire, je me charge de tout. - C’est bien ce qui me fait peur, dit Lilian en riant. Les deux jeunes filles accordèrent leurs pas en cadence. Elles marchaient vite, collĂ©es l’une contre l’autre, se protĂ©geant du vent. Dès qu’elles descendirent Ă la station, l’imposant bâtiment du complexe commercial surgit devant leurs yeux. A la surprise de Paula, dès le premier magasin, une vitrine bien assortie Ă l’intĂ©rieur les fit s’arrĂŞter. Lilian vit un chemisier en soie qui serait très bien assorti au pantalon en jeans Ă la maison. Mais quand elle voulut le montrer Ă Paula, celle-ci ne prit mĂŞme pas la peine de le regarder. Elle continuait Ă scruter les Ă©tagères, et s’approcha finalement du rayon des robes. Elle les observa patiemment, sans pouvoir se dĂ©cider. Soudain, sa main stoppa le prĂ©sentoir rotatif. Une robe trois quarts, collante, couleur du vin de Bordeaux, au dĂ©colletĂ© profond, attira son regard. Une fine rangĂ©e de perles bordait les manches et le bas, Ă la ceinture assortie comprenant plusieurs rangĂ©es du mĂŞme genre qui marquait la taille. Paula l’examina en experte et ses yeux s’éclairèrent de plaisir. Elle se retourna vers Lilian en souriant : - VoilĂ ! s’exclama t-elle enchantĂ©e, en inclinant la robe sous les yeux de son amie, comme si la jolie toilette faisait une rĂ©vĂ©rence. C’est exactement ce que nous cherchons ! - Tu es folle ! Comment pourrai-je porter cela ? - Tu vas l’essayer tout de suite, dĂ©crĂ©ta Paula d’une voix catĂ©gorique. Et Lilian, comprenant que tout refus serait une perte de temps, se dirigea vers la cabine d’essayage. Le modèle semblait avoir Ă©tĂ© coupĂ© spĂ©cialement pour elle. La robe donnait de la couleur Ă ses joues, ses cheveux blonds contrastaient avec le bordeaux foncĂ©, qui leur prĂŞtait des reflets roux, et accentuait les traits fins de la jeune fille qui autrement Ă©taient effacĂ©s. - Tu es folle, complètement folle. Regarde-moi ce dĂ©colletĂ© ! On peut presque voir mes seins. En mĂŞme temps, elle devait reconnaĂ®tre que la robe lui allait Ă merveille. Elle tournait devant le miroir, s’examinant avec soin, et souriait satisfaite, mais Paula avait cessĂ© de faire attention Ă elle. Avec une expression de mĂ©pris total pour le manque de compĂ©tence de la part de Lilian en ce qui concernait la mode, elle se tourna ostensiblement vers le comptoir, mais non pas sans lui dire avant : - C’est toi qui est folle ! Ensuite, ignorant son amie, elle s’adressa Ă la vendeuse d’une voix ferme : - Nous la prenons ! mais tu dois nous faire une rĂ©duction, car nous sommes Ă©tudiantes. Derrière le comptoir, la vendeuse sourit. - C’est la dernière qui nous reste, alors je vous la fais Ă 50%. - Bravo ! applaudit Paula. Je prĂ©vois un succès grandiose pour ce soir. Alors sois prĂŞte pour neuf heures. Je viendrai te chercher ! ce n’est pas loin de ton foyer, nous pourrons y aller Ă pied. Tu vas tous les rendre fous. Que dire de plus, murmura Lilian, mais dans ses yeux brillait une petite lueur gaie. * A neuf heures prĂ©cises, on frappa Ă la porte. Lilian courut ouvrir et resta un moment immobile sur le seuil, en regardant son amie avec une admiration manifeste. Paula avait une coiffure savante, ses cheveux ramassĂ©s au sommet de la tĂŞte dans une agrafe en argent, laissant Ă©chapper des boucles minces, sur les Ă©paules, jusqu’à la taille, pareilles Ă une cascade Ă©blouissante, noires, aux reflets bleus, dĂ» Ă un spray ou Ă un shampoing spĂ©cial. « On dirait une Ă©ruption de pĂ©trole » pensa la jeune fille. La robe longue en lamĂ© l’avantageait. Par effet de contraste, elle Ă©clairait son visage de gitane. Ses yeux brillaient tels des grains de cafĂ©, sous les lourds cils maquillĂ©s d’argent. L’ensemble tout entier Ă©tait du plus grand effet. - Tu es inouĂŻe ! s’exclama Lilian avec un sourire extasiĂ©. - Crois-moi, tu n’es pas mal du tout toi non plus, rĂ©pondit Paula Ă ce gĂ©nĂ©reux compliment. - Allons-y ! et bras dessus, bras dessous, elles passèrent ensemble la porte, blotties l’une contre l’autre, comme autrefois lorsqu’elles Ă©taient enfants. Le vent s’était calmĂ©, mais le ciel Ă©tait noir comme le goudron. - On dirait qu’il va neiger maintenant, dit Lilian en regardant le ciel - Ce serait un vĂ©ritable miracle de Nouvel-An. Mais il est plus vraisemblable que, dès que commencera la pluie, ma coiffure pour laquelle j’ai travaillĂ© tout l’après-midi, ira au diable. Nous devons nous dĂ©pĂŞcher. Ce n’est pas loin, juste lĂ , après le coin, une villa Ă pergola, dissimulĂ©e entre les immeubles. Je ne comprends pas comment elle est restĂ©e intacte entre les gĂ©ants qui l’entourent - Du piston pour Monsieur Sobovici, dit Paula en articulant le nom avec emphase, accentuant chaque lettre. A leur arrivĂ©e, la fĂŞte battait son plein. Quelques couples, filles et garçons, parlaient fort. Certains buvaient des boissons multicolores dans des verres Ă pied, d’autres suivaient le programme Ă la tĂ©lĂ©vision. Seul un couple, lui très grand et elle mignonne, dansaient sur la parquet brillant, la dernière mode pour un salon. - Le père de Daniel est un chirurgien renommĂ©, lui souffla Paula, en remarquant son Ă©tonnement. Ils ont une maison… et elle Ă©mit un petit baiser admiratif avec ses lèvres. Viens que je te prĂ©sente. Les filles Ă©taient assises sur un large canapĂ© en cuir. Les garçons, en grappe, les secondaient de près. Ils riaient, gesticulaient, parlaient Ă voix haute, emplis de verve. - Mimi, Rina, Sighi, Dona, Paul, Moran, Eli… Paula commença les prĂ©sentations sans s’essoufler. - ArrĂŞte, arrĂŞte ! s’écria Lilian, apeurĂ©e. Je ne peux pas me souvenir de tous ces noms. Et je ne peux pas non plus leur serrer la main Ă ce rythme. Des Ă©clats de rire emplirent la pièce et tous s’approchèrent des nouvelles venues. Lilian reconnut en son for intĂ©rieur que Paula n’avait pas exagĂ©rĂ© quand elle lui avait dĂ©crit comment allait se dĂ©rouler la soirĂ©e. Le groupe Ă©tait agrĂ©able, jeune, gai et beau. RetirĂ©s dans un coin, Ă bonne distance des autres, installĂ©s dans deux fauteuils Ă dossier, qui les rendaient presque invisibles, Lilian aperçut deux jeunes, un couple qu’elle n’avait pas remarquĂ© jusqu’alors. Ils semblaient ĂŞtre engagĂ©s dans une discussion contradictoire. Le visage du garçon, autant qu’on pouvait le voir, semblait sombre et mĂ©content, la fille gesticulait des deux bras, essayant de lui dĂ©montrer quelque chose. Paula se dirigea vers eux. - Tu dois absolument les connaĂ®tre, dit-elle, en saisissant fermement son bras. Viens avec moi ! Les jeunes filles contournèrent le canapĂ© qui Ă©tait sur leur chemin et s’arrĂŞtèrent en face d’une splendide nĂ©gresse. Son visage et ses mains d’ébène se dĂ©tachaient sur le velours de la robe, rouge comme le feu. - Mery-Lou, se prĂ©senta t-elle et sa voix rĂ©sonna mĂ©lodieusement comme une musique. Sa tenue originale ressemblait Ă de l’eau coulant sur ses hanches, la drapant entièrement, avec un loulou embrassant les pointes de ses souliers, fait dans le mĂŞme matĂ©riau que la robe. Lilian ne pouvait la quitter des yeux. Sa beautĂ©, mais surtout son exotisme lui coupait le souffle. En voyant son expression Ă©bouie, la jeune fille se mit Ă rire. - tu ne t’attendais pas Ă rencontrer ici une nĂ©gresse ! Je suis Ă©tudiante au conservatoire, en chant. Tu as entendu parler de la chorale « Hacuşim Haivrim din Dimona » ? (* les juifs noirs de Dimona, petit village d’IsraĂ«l) Mes parents chantent dans cette formation, moi je suis venue Ă Tel-Aviv pour Ă©tudier la musique. Lui, c’est Vardi, mon ami, en dĂ©signant le garçon avec lequel elle semblait, seulement une minute auparavant, avoir une importante querelle. Il est Ă©tudiant en psychologie…et docteur en philosophie, ajouta t-elle ironiquement. « Le professeur connaĂ®t tout », sourit-elle, en persiflant. Un jeune homme d’au moins un mètre quatre-vingt-dix se leva du fauteuil et les prisme en cristal du lustre se mirent Ă s’agiter. Les cheveux coupĂ©s très courts, presque rasĂ©s, le front haut, les yeux enfoncĂ©s dans les orbites sous d’épais sourcils noirs, il ressemblait Ă un oiseau rare dans ce groupe de joyeux fĂŞtards. Lilian fut immĂ©diatement conquise lorsqu’il s’inclina cĂ©rĂ©monieusement vers elle et lui baisa la main. Surprise par son geste, elle resta sans voix. Paula se mit Ă rire de tout son coeur . - J’en Ă©tais sĂ»re, mais ne te fies pas aux apparences ! Il fait cela avec toutes les filles qu’il veut sĂ©duire. C’est pourquoi on l’a surnommĂ© « le gentleman ». Il est dans le pays depuis cinq ans, mais il ne s’est pas encore corrigĂ© de ses habitudes qu’il a rapportĂ©es de chez lui, en Roumanie. Pour le reste, il est supportable, quand Mary-Lou ne l’énerve pas outre-mesure. La nĂ©gresse sourit. Elle prit la main de Lilian et l’étudia attentivement. - Tu as de longs doigts….tu joues du piano ? Sans attendre la rĂ©ponse, elle serra sa paume gelĂ©e entre ses mains chaudes, comme si elle avait voulu lui transmettre un signal, crĂ©er un lien. EtonnĂ©e, Lilian restait figĂ©e, les yeux rivĂ©s sur la nĂ©gresse. Comme si une force Ă©trange l’immobilisait. Mary-Lou leva sa main vers la lumière, la paume vers le haut. ConcentrĂ©e, elle regarda les lignes inscrites, en suivit le tracĂ© de son ongle rouge phosphorescent, s’arrĂŞtant chaque fois Ă chaque intersection. Un sourire Ă©nigmatique se dessinait au fur et Ă mesure au coin de ses lèvres, tandis ses sourcils se soulevaient Ă force de regarder. - Fascinant ! s’écria t-elle finalement. Fascinant. Regarde ! L’amour. Ici, Ă minuit. Et elle continua sur un ton pathĂ©tique : « A minuit, l’amour ! » Lilian regardait elle aussi consternĂ©e la paume de sa main, tout en suivant l’ongle de la nĂ©gresse qui l’effleurait de sa pointe aiguisĂ©e. - OĂą vois-tu cela ? demanda t-elle surexcitĂ©e, comprenant après coup combien sa question Ă©tait stupide. Mery-Lou rit, d’un rire cristallin. - Ha ha ! Paula pouffa de rire joyeusement. Elle t’a prĂ©dit quelque chose d’extraordinaire Ă toi aussi ? Je le vois Ă ton expression hĂ©bĂ©tĂ©e. Elle aime Ă©pater. Ne t’en fais pas, ma chĂ©rie ! Les prĂ©dictions de Mary-Lou ne se rĂ©alisent jamais. Maintenant que nous avons fait connaissance, buvons en l’honneur de la Nouvelle AnnĂ©e. En une minute, une coupe en cristal remplie d’un liquide vert transparent se retrouva dans ses mains. Paula l’offrit Ă Lilian. - J’espère que cela te plaira. GoĂ»te ! - Si c’est aussi bon que c’est beau, s’exclama Lilian, surprise par cette couleur d’une puretĂ© rare, je ne vais pas me faire prier. On dirait de l’émeraude vĂ©ritable. - C’est un cocktail Ă base de pisang, une liqueur verte très douce que l’on ajoute dans les boissons pour leur donner de la couleur, lui expliqua Paula, experte en la matière. - Ce n’est pas mal, reconnut Paula, pas mal du tout ! Avec indiffĂ©rence, elle entra dans le rythme. Elle se laissa entraĂ®ner dans les discussions. Elle apprit, ainsi, que Paul est Ă©tudiant en architecture et qu’il est l’ami de Dona, que Sighi a essayĂ© par deux fois d’entrer en MĂ©decine, mais que finalement elle avait renoncĂ©, et qu’elle travaillait maintenant comme Ă©ducatrice dans une maternelle, mais qu’elle essaiera encore une fois l’annĂ©e prochaine, que Mimi est mannequin, et en mĂŞme temps, Ă©tudiante en Droit. Moran, qui lui semblait avoir la meilleure allure parmi tous les garçons, Ă©tait encore Ă l’armĂ©e. - Il est seul dans le pays, lui chuchota Paula. Sa famille est partie au Canada. Il est libre. Tu peux tenter ta chance. - Garde-le pour toi, riposta t-elle furibonde du ton insinuant de son amie. Tu aimes peut-ĂŞtre les uniformes. Et Lilian sourit malicieusement, contente de n’être pas en dette. Elle se sentait Ă©tourdie. Il faisait terriblement chaud dans le salon. - Vous savez que Daniel nous a prĂ©parĂ© une surprise Ă minuit ? s’exclama soudain Vardi. - Quelle surprise ? s’écrièrent-ils tous d’une seule voix. - Cela, je ne le sais pas moi mĂŞme. Mais j’ai pensĂ© que si nous lui demandions, il nous le dirait peut-ĂŞtre plus vite. Quant Ă moi, je n’ai plus de patience. Les surprises de Daniel sont toujours « super » ! - Nous voulons la surprise ! Nous voulons la surprise ! commencèrent-ils Ă scander, tandis que Vardi dirigeait des deux mains la chorale improvisĂ©e ad-hoc. - De toutes façons, il n’y a plus longtemps Ă attendre, dit Paula en regardant sa montre. Il Ă©tait minuit moins la quart. Daniel apparut avec un nouveau plateau, chargĂ© de sandwichs. - Nous voulons la surprise ! Nous voulons la surprise , la surprise, la surprise. Ils se jetèrent sur lui, le renversant presque. - Si vous m’étouffez, adieu la surprise, cria t-il hors d’haleine, se dĂ©battant pour Ă©chapper Ă ceux qui l’enserraient. Je me rends. Il se dirigea vers le tiroir aux cassettes et en choisit une cachĂ©e par derrière. Radieux, il la prĂ©senta tel un trophĂ©e au-dessus de sa tĂŞte. - Le mur. J’ai la cassette originale. Papa l’a reçue d’un patient. - Hourrah ! un vrai cadeau pour le Nouvel An, lui rĂ©pondit immĂ©diatement le chĹ“ur de voix. Le Mur, le succès musical du Mur de Berlin. Tous avaient entendu parler de l’évĂ©nement et Ă©coutĂ© ses chansons Ă la radio. C’était le plus rĂ©cent et le meilleur dessin animĂ©, selon l’avis des spĂ©cialistes. Les chansons Ă©taient devenues des hits en une nuit. L’une des causes du rapide succès fut, bien Ă©videmment, le sujet brĂ»lant d’actualitĂ© : Le mur qui sĂ©parait Berlin depuis près d’un demi-siècle. Quelqu’un avait osĂ© le toucher, le dĂ©truire de ses notes. Quelqu’un, un compositeur talentueux et courageux, avait osĂ© affronter ainsi le communisme. Le compositeur s’appelait Pink Floyd. Dans le salon, le silence se fit. Daniel essaya de prolonger les prĂ©paratifs, mais une personne Ă©teignit la lumière et mit en marche l’appareil. On ne pouvait plus arrĂŞter le film. - Nous devrons faire une pause juste Ă minuit, dit-il d’une voix contrariĂ©e. Allons, vous ĂŞtes impossibles ! - Silence ! toi, tu t’en fiches ! tu l’as dĂ©jĂ vu, dit une voix venant de l’obscuritĂ©. A la tĂ©lĂ©vision, apparurent les briques rouges, Ă©tanches, sans fissures – le mur. Le symbole de la dictature, d’une tĂ©nĂ©breuse Ă©poque, occupait l’écran tout entier, donnant l’impression de dĂ©border. Il donnait l’impression de rester lĂ mille ans. La musique emplissait la pièce, se dilatait, triomphait. Tous regardaient, fascinĂ©s. Lilian laissa tomber son bras librement sur le canapĂ©. Elle Ă©tait sous le charme, captivĂ©e. Un lĂ©ger frĂ´lement, une autre main se superpose, sans qu’elle s’en aperçoive, sur ses doigts qui battaient la mesure inconsciemment. Elle tressaillit et tenta de voir qui se trouvait auprès d’elle, essayant de distinguer le visage dans la semi pĂ©nombre du salon. Elle ne voyait pas bien. Rien que la barbe et une paire de lunettes oĂą les scintillements de l’écran de tĂ©lĂ©vision se reflĂ©taient dans les verres. D’oĂą pouvait-il bien sortir et depuis quand Ă©tait-il lĂ Ă cĂ´tĂ© d’elle ? Elle se souvenait que la place Ă©tait libre, mais, il se pouvait que…. transportĂ©e par la musique, elle n’eĂ»t pas observĂ©. - On se connaĂ®t tous les deux ? demanda t-elle Ă voix basse. Je ne crois pas t’avoir vu auparavant. OĂą Ă©tais-tu ? - J’ai dormi… je suis Mihael, le frère aĂ®nĂ© de Daniel. Mais tu peux me dire Micky. Tout le monde m’appelle ainsi. - Moi, je suis Lilian. Je ne t’ai pas donnĂ© la main Ă ce que je vois, sourit la jeune fille. Je suis dĂ©solĂ©e que tout notre vacarme t’ait rĂ©veillĂ©. Comme s’il ne l’avait pas entendue, il continua : - De toutes façons, je devais me rĂ©veiller. Il est juste minuit. C’est dommage de dormir Ă minuit pour la Nouvelle AnnĂ©e. Tu es nouvelle dans ce groupe, n’est-ce pas ? Sinon, je t’aurais rencontrĂ©e chez nous. Je connais tous les amis de Daniel. - Tu as raison. Je n’habite Ă Tel-Aviv que depuis trois mois, j’étudie la mĂ©decine. - MĂ©decine… la mĂ©decine est une science très difficile. L’être humain, son organisme, sont si imprĂ©visibles. Et cela te plaĂ®t ? - Pour l’instant, je ne sais pas. C’est trop tĂ´t. La ville ne me plaĂ®t pas. Trop de bruit, trop d’agitation. Elle me fait peur. Mihael rit doucement. - Tu as besoin d’un bon guide. Tu t’es promenĂ©e Ă Iafo, au bord de la mer, dans le port, parmi les bateaux, tout en haut sur la digue ? Je t’emmènerai avec moi … un jour. Sa voix lui parvenait Ă©touffĂ©e, comme de très loin, elle ressemblait plutĂ´t Ă un murmure dont elle essayait de deviner le sens. Lilian aurait voulu suivre le film, mais la prĂ©sence du jeune homme l’en empĂŞchait. C’était Ă©trange la manière dont il Ă©tait apparu lĂ , sur le canapĂ©, Ă cĂ´tĂ© d’elle, sans qu’elle s’en rendĂ®t compte, lui prenant la main entre les siennes, comme de vieux amis. Un visage inconnu, juste un simple contour, avec des lunettes et une barbe. - HĂ©, vous lĂ -bas, dit une voix dans l’obscuritĂ©, faites silence. Vous aurez le temps de parler après la fin de la cassette. Le garçon se tut. Lilian rougit et essaya de retirer sa main, mais il la retint. - Bonne AnnĂ©e ! La voix de Daniel rĂ©sonna brusquement quand, pile Ă minuit, l’horloge se mit Ă compter les coups, ponctuant sonorement les premiers instants du nouvel an. Il Ă©teignit la tĂ©lĂ©vision et le salon baigna dans l’obscuritĂ©. - Bonne AnnĂ©e ! crièrent-ils tous en chĹ“ur. On se cherchait les uns les autres, Ă tâtons, on s’embrassait pĂŞle-mĂŞle, on se serrait les mains. Lilian sentait les joues lui brĂ»ler. Soudain, la barbe de Mihael lui toucha le visage et ses lèvres s’approchèrent des siennes. Ce fut un baiser, ou seulement son imagination ? Car personne parmi tous ceux qui Ă©taient prĂ©sents ne portait la barbe. Les verres se choquaient avec enthousiasme, quand un bruit de verre cassĂ© interrompit l’agitation. - Les noces suivront, lança quelqu’un, et la lumière s’alluma immĂ©diatement. Daniel apporta un balai pour ramasser les dĂ©bris, pendant que Lilian regardait hĂ©bĂ©tĂ©e les morceaux de verre, restes de son verre Ă elle. Une tache verdâtre grandissait sur le parquet, Ă ses pieds, goutte Ă goutte, menaçant de salir ses souliers. - Laisse, laisse, ce n’est rien ! disait son hĂ´te en essayant de la rassurer . Lilian bredouilla une excuse pour toute rĂ©ponse, cherchant Mihael des yeux. Elle aurait souhaitĂ© le voir maintenant, dans la lumière brillante du salon, mais le jeune homme Ă©tait introuvable. « on croirait que j’ai rĂŞvĂ©. C’est bizarre comme il a disparu ainsi, tout d’un coup. » Cette pensĂ©e resta suspendue dans son esprit comme une question sans rĂ©ponse. Quelques minutes plus tard, l’incident Ă©tait oubliĂ©. Tous retournèrent impatiemment voir le film. Pour Lilian, le mirage avait disparu. Enfin, la cassette se termina. Il y eut un moment de silence. Et brusquement, tout le monde se mit Ă parler Ă la fois, chacun voulant se faire entendre. - Magnifique ! - Splendide ! - Terrible ! Les commentaires ne tarissaient pas. - Les amis ! demain, nous avons cours. Que peut-on faire si ici, en IsraĂ«l, on ne reconnaĂ®t pas officiellement le RĂ©veillon ? cria Vardi, en essayant de couvrir le vacarme. Nous vous quittons, et il prit le bras de Mery-Lou. - Nous parton nous aussi, dit Paula. Daniel apporta les manteaux, et tous se pressèrent alors pour s’habiller. Mihael s’était fait invisible. Lilian le cherchait du regard, infatigable, lorsque Paula la prit par la main. - Tu viens Ă la fin ? OĂą es-tu donc restĂ©e, les yeux fixĂ©s sur le mur ? GĂŞnĂ©e, la jeune fille prit son manteau et se dĂ©pĂŞcha vers la sortie. L’air frais lui rafraĂ®chit les esprits. Elle se turent un moment, puis Paula bailla en regardant sa montre. - Il est tard. Je ne suis jamais restĂ©e autant. Mais la cassette, tu dois le reconnaĂ®tre aussi, fut formidable. Dis quelque chose ! Pourquoi restes-tu ainsi, silencieuse ? - HĂ©, que veux-tu que je dise ? Ce fut vraiment formidable. - Et, qui as-tu le plus apprĂ©ciĂ© dans le groupe ? Pourquoi, mon Dieu, dois-je te tirer les mots de la bouche ? demanda encore Paula. On dirait que tu dors tout debout. A quoi songes-tu ? Ou plutĂ´t, Ă qui ? Sa voix se chargea d’insinuation. - A Mihael, rĂ©pondit promptement Lilian. Je ne l’ai pas vu au moment de partir. - Quel Mihael ? Tu as rĂŞvĂ© ? Il n’y avait personne de ce nom - Tu ne l’as peut-ĂŞtre pas vu. Il est restĂ© peu de temps. Mihael, le frère de Daniel. Paula s’arrĂŞta en chemin. Elle resta un moment immobile, puis elle prit Lilian par le manteau, la secouant avec force. - De quelle bĂŞtise parles-tu ? De quel Mihael parles-tu, et depuis quand le connais-tu, je te le demande ! ensuite, comme s’il lui venait une nouvelle idĂ©e, elle s’écria, presqu’en la rabrouant : Veux-tu me dire comment il est ? IntriguĂ©e par la rĂ©action complètement inattendue de son amie, Lilian bredouilla dans un murmure : - Eh bien, il faisait sombre parce que nous regardions la tĂ©lĂ©vision, mais je peux te dire qu’il a la barbe et qu’il porte des lunettes. - Tu es folle, Lilian, tu m’entends ? Complètement folle. Il est impossible qu’il eĂ»t Ă©tĂ© lĂ . Tu comprends ? Impossible ! - Non, je ne comprends pas. Pourquoi est-ce si impossible ? Je lui ai parlĂ©, nous avons… et Lilian s’arrĂŞta brusquement. Elle avait Ă©tĂ© sur le point de laisser Ă©chapper ce court moment, qui n’appartenait qu’à eux, ce baiser, telle une promesse. Elle atteignirent la porte du foyer, lorsque Paula brisa le silence. - Je ne sais pas ce qui est arrivĂ© cette nuit. Je n’ai pas d’explication. Daniel a vraiment un frère aĂ®nĂ©. Il y a six mois, ou peut-ĂŞtre un peu plus, il a Ă©tĂ© victime d’un accident de voiture. Il a Ă©tĂ© conduit Ă l’hĂ´pital dans le coma. Il n’en est jamais sorti. Le père de Daniel n’a plus opĂ©rĂ© depuis des mois. Il ne pouvait plus. Ses mains tremblaient. Les docteurs ne lui ont donnĂ© aucun espoir. Le garçon Ă©tait reliĂ© Ă des appareils, c’est ce qui l’a maintenu en vie. Daniel m’a avouĂ© que si Mihael avait pu parler, sans aucun doute, il aurait choisi d’en finir. Mais ses parents… ils n’ont rien voulu entendre. Ils vont Ă l’hĂ´pital chaque jour. Ils y restent pendant des heures, ils lui lisent des livres, lui passent de la musique, lui parlent. Un psychiatre de la clinique assure que Mihael pourrait entendre. Et toi, maintenant, tu viens avec cette histoire incroyable. Que veux-tu que je te dise ? Lilian leva les yeux vers le ciel maintenant Ă©toilĂ©. - Ce matin Ă©tait si nuageux… on aurait dit qu’il allait pleuvoir, et maintenant, regarde comme la nuit est belle. Elle soupira puis dĂ©posa un lĂ©ger baiser sur la joue de son amie. Bonne AnnĂ©e, Lilian ! Je te souhaite beaucoup de succès Ă la facultĂ© ! Dans la chambre du foyer, il faisait froid. Lilian aurait voulu dormir, mais elle n’y parvenait pas. Elle tournait et retournait dans son esprit les Ă©vènements de la soirĂ©e. Elle revoyait pour la centième fois, la sĂ©quence de la tĂ©lĂ©vision. Comment peut-on rĂŞver d’un homme que l’on ne connaĂ®t pas et dont on n’a jamais entendu parler dans sa vie ? Combien de temps s’était-il Ă©coulĂ© ? Peut-ĂŞtre s’était-elle assoupie malgrĂ© tout. La mĂ©lodie du tĂ©lĂ©phone brisa le silence de la pièce, la faisant tressaillir. Dans le rĂ©cepteur, la voix de Paula rĂ©sonna, diffĂ©rente de l’habitude. - Cette nuit, Mihael est sorti du coma. A minuit. Tu entends ? Lilian ne l’entendait plus. Seuls les mots. Les seuls mots magiques…. « A minuit, l’amour ». (Traduction et version française : Clava Ghirca, Nicole Pottier.)
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